Partager cet article

France : Société

Et Jean-Michel Blanquer ose parler de “l’école de la confiance”…

Et Jean-Michel Blanquer ose parler de “l’école de la confiance”…

Terrible lettre d’enseignants d’un collège de Saint-Denis (93) à la suite de l’agression d’un des leurs :

Monsieur le Ministre,

Nous sommes enseignants au collège La Courtille, à Saint-Denis (93).

Le vendredi 22 février, notre collègue d’histoire-géographie s’est fait agresser devant l’établissement par quatre jeunes. Ce jour-là, une rencontre sportive (tournoi d’ultimate prof-élève) avait lieu. Il est arrivé légèrement en retard, en même temps qu’un élève qui essayait de rentrer dans le collège pour assister au tournoi. Cet élève était en train de se faire malmener par ces quatre individus. Notre collègue a vaillamment décidé de s’interposer pour le faire rentrer dans l’établissement. Cette attitude n’a pas plu aux quatre assaillants, qui se sont empressés de le rouer de coups : son visage était complètement tuméfié, son pouce cassé, et ses côtes fêlées. Le collègue qui l’a retrouvé ne l’avait, de prime abord, même pas reconnu. Pour ceux d’entre nous qui étaient là ce jour, nous en ressortons choqués et marqués à vie. Cet après-midi, veille de vacances scolaires, était censé être un moment de partage avec nos élèves, et s’est transformé en cauchemar. Nous avons libéré les élèves et essayé d’apporter tout notre soutien à notre collègue. Il s’est littéralement fait passer à tabac, alors qu’il venait de Paris pour jouer avec ses élèves, et qu’il a fait preuve de bravoure en voulant en défendre un. Il a été hospitalisé, et seulement deux de ses agresseurs ont été interpellés. Aujourd’hui, il remarche à peine et ne reviendra plus enseigner dans notre établissement.

Les vacances n’ont pas su atténuer notre colère. Depuis lundi 11 mars, jour de la rentrée, la totalité de l’équipe enseignante (37 personnes), exerce son droit de retrait, et l’établissement connaît une mobilisation sans précédent. (…) Le premier jour, la DSDEN 93 nous a fait savoir qu’ils n’accepteraient pas notre droit de retrait, au motif qu’ils avaient déployé une équipe de sécurité mobile devant l’établissement, et prévenu le commissariat, et que « le danger n’était pas imminent ». Dans tous les communiqués que nous avons publiés, nous revenons sur cette décision et expliquons pourquoi elle nous paraît inappropriée. Une des multiples raisons est que, alors que l’équipe de sécurité mobile était sur notre établissement le mardi 12 mars matin, l’établissement voisin, le lycée Paul Eluard, a été le théâtre de violences sans précédent : une quinzaine d’individus, armés de marteaux, de battes de baseballs, et de bombes lacrymogènes, se sont introduits dans l’établissement pour s’en prendre à d’autres élèves. Le lycée a été fermé l’après-midi même par la préfecture de police. (…)

Nous avons honte. Nous avons honte de recevoir tous les jours 400 élèves dans des locaux délabrés, insalubres, mal chauffés, aux odeurs pestilentielles, et surtout, nous avons honte de ne pas pouvoir assurer la sécurité de nos élèves, et la nôtre. (…)

Ce même vendredi (13 mars, NDLR), nous sommes allés à un rassemblement en soutien au Cocci Market, le magasin de la cité où nous allons faire nos courses, car les gérants ont été tabassés par des jeunes le vendredi 8 mars, trois jours avant la rentrée. À ce rassemblement, nous avons croisé un des quatre individus qui avait agressé notre collègue, et se promenait en toute impunité devant nous.

Pour la première fois depuis que nous avons été catapultés dans la cité de Saussaie-Floréal-La Courtille, nous ne nous sentons plus en sécurité. Tous les jours, nous allons au supermarché, à la boulangerie du quartier, à la pharmacie, au tabac, aux arrêts de bus. Mais cette semaine, à chaque fois que l’un d’entre nous sortait, il se faisait accompagner de quelqu’un de confiance.

Nous savons que lundi prochain, nous allons nous heurter à un mur d’indifférence. La DSDEN va nous soutenir que nous abandonnons nos élèves. C’est faux. Nous sommes une équipe jeune et motivée, qui voulons être là, qui croyons en notre jeunesse et ce que nous pouvons leur apporter. Toutes les semaines, nous emmenons nos jeunes en sortie, nous leur proposons énormément de projets, ils sont allés et continuent d’aller en voyage scolaire. Toute la semaine, nous leur avons quand même fait parvenir du travail. Et toute la semaine, les parents d’élèves nous ont soutenus dans nos actions et nos démarches, et ils continueront de nous soutenir.

Nous voulons que notre droit de retrait soit reconnu, ne plus être ignorés, et que l’institution reconnaisse les problèmes de violence qui règnent dans les établissements. Notre droit de retrait n’est pas un caprice d’enfant. Si aujourd’hui, la totalité d’une équipe éducative estime que le danger est grave et imminent, c’est bien que le malaise est trop grand, et la situation ingérable. Nous allons être amputés d’une partie de notre salaire alors que nous essayons simplement de faire reconnaître que notre intégrité physique et morale ainsi que celle de nos élèves est atteinte, et parce que nous osons essayer de nous défendre, de nous faire entendre, et d’agir selon nos convictions. Un élève, des élèves n’ont pas le droit de pouvoir rentrer armés dans un établissement public. Nous refusons de nous imprégner de cette violence. Nous voulons pouvoir enseigner dans des conditions décentes. Nous ne demandons qu’à faire notre travail. Mais pour cela, nous avons besoin d’aide. Nous avons besoin de moyens. Nous avons besoin de vous. Nous avons besoin de votre soutien. Montrez-nous que les raisons pour lesquelles nous nous battons tous les jours valent la peine d’être entendues. Redonnez à l’éducation sa noblesse. N’attendez pas qu’un mort survienne parmi nos rangs. (…)

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services