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L'Eglise : François

En canonisant 2 papes de Vatican II, François tourne la page du Concile

De Philippe Maxence dans Le Figaro :

"[…] Les oppositions entre Jean XXIII et Jean-Paul II sont vaines. Autant les deux hommes étaient différents physiquement, autant ils furent l'un et l'autre, à la fois des hommes d'une véritable piété traditionnelle et des pontifes de l'audace conciliaire. Jean XXIII a lancé le concile, mais n'en vit jamais la conclusion. Jean-Paul II l'a reçu en héritage et s'est chargé de l'appliquer, quitte à en corriger les erreurs d'interprétation.

C'est donc bien deux papes du Concile que canonise le pape François même si, comme le rappelait le cardinal Vingt-Trois à propos d'une éventuelle canonisation du professeur Jérôme Lejeune, c'est l'exercice héroïque des vertus théologales qui est sanctionné ainsi par l'Église.

Comme souvent, la double canonisation de deux personnalités, a priori si opposées, ouvre la porte aux supputations. La démarche répond-elle à une visée strictement spirituelle ou au jeu subtil de la politique? Poser la question dans ces termes, c'est certainement se tromper d'époque. Certes Jean-Paul II fit passer l'amère pilule de la béatification de Pie IX, le pape de la condamnation des «erreurs modernes», avec le sirop de celle de Jean XXIII, le pape heureux de la «nouvelle Pentecôte» conciliaire. Mais justement! Nous ne sommes plus en l'an 2 000, année de cette double béatification! Les ménagements mondains ne sont pas dans les habitudes du pape actuel. D'autant que rien n'oppose Jean XXIII et Jean-Paul II. Ce qui ne veut pas dire, pourtant, que la démarche du pape François ne répond pas à une volonté de «politique spirituelle». En vue de quoi? C'est ce qui est difficile à dire, tant le pape argentin échappe à nos catégories cartésiennes et aux habitudes d'analyse.

Tentons cependant une simple hypothèse ! En canonisant en même temps l'initiateur du concile et son (principal) maître d'œuvre, le pape François tourne une page. Il referme définitivement une période de l'Église, tout en rompant en douceur avec le pontificat précédent. C'est la fin (symbolique) de Vatican II, au sens où celui-ci est désormais considéré comme n'étant plus un objet de débat, d'approches pédagogiques, de querelles théologiques ou de questionnement sur la bonne herméneutique à mettre en œuvre. Plus largement, sans nier leur existence, les questions doctrinales ne semblent pas être pour le pape actuel les points les plus déterminants.

Non pas qu'il nie la doctrine catholique, ante ou post conciliaire, mais il la place, avec respect et vénération, dans un «ailleurs» indéterminé. Il s'agit pour lui de passer à autre chose, d'imprimer une véritable dynamique à la vie dans l'Église, de passer de l'«orthodoxie» à la «praxis». Il le dit d'ailleurs clairement dans l'exhortation apostolique Evangilii Gaudium, à propos de l'évangélisation: «Il ne faut pas penser que l'annonce évangélique doive se transmettre toujours par des formules déterminées et figées, ou avec des paroles précises qui expriment un contenu absolument invariable. Elle se transmet sous des formes très diverses qu'il serait impossible de décrire ou de cataloguer, dont le peuple de Dieu, avec ses innombrables gestes et signes, est le sujet collectif.» Dénonçant également les différents aspects de ce qu'il appelle la «mondanité spirituelle», il annonce qu'il faut mettre «l'Église en mouvement de sortie de soi». À ses yeux, la primauté donnée à la doctrine peut même devenir un danger pour l'Église.

Dans l'entretien très personnel accordé à La Civiltà Cattolica., il a exprimé sa vision à ce sujet: «La pensée de l'Église, nous la connaissons, et je suis fils de l'Église, mais il n'est pas nécessaire d'en parler en permanence.» Ailleurs, dans le même entretien, il résume également son approche en expliquant qu'il faut: «privilégier les actions qui génèrent des dynamiques nouvelles».

Le pape François n'est certes pas un adversaire de Vatican II ou un amnésique de celui-ci. Dans le même entretien, il redit que le concile Vatican II est «irréversible». Mais c'est justement parce qu'il le considère comme «irréversible» (certes Paul VI l'avait dit aussi, mais dans un autre contexte) que Vatican II n'est (peut-être) plus la vraie question du moment. Le pape est déjà passé à autre chose, à d'autres champs d'action. C'est l'action qui compte désormais et avant tout. Il s'agit de la vitalité à instaurer au sein de l'Église et des «périphéries» à atteindre, comme il l'a indiqué à plusieurs reprises, reprenant là la terminologie employée naguère par le Père Congar dans son livre célèbre, Vraie et fausse réforme.

À ce titre, la double canonisation de Jean XXIII et de Jean-Paul II, deux papes du concile, pourrait sonner, paradoxalement, la dernière étape du processus déclenché en 1962, lors de l'ouverture de Vatican II, et l'entrée, pour l'Église, dans une nouvelle page de sa déjà longue histoire. Quelle sera-t-elle exactement? C'est ce qui est difficile à déterminer pour l'instant."

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