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L'Eglise : Foi

Divorcés-remariés : la belle analyse des Dominicains

Lu sur le blog de Jeanne Smits :

"La revue thomiste Nova et Vetera publie un document très riche et très clair sur la question de « l’accompagnement pastoral des personnes divorcées remariées », dans la perspective du Synode extraordinaire sur la famille qui se réunira cet automne à la demande du pape François. […] Huit dominicains, John Corbett, O.P., Andrew Hofer, O.P., Paul J. Keller, O.P., Dominic Langevin, O.P., Dominic Legge, O.P., Kurt Martens, Thomas Petri, O.P., et Thomas Joseph White, O.P, issus de la Faculté pontificale de l’Immaculée Conception au Centre d’études dominicain de Washington D.C., de l’Athénée de l’Ohio et de l’Ecole de droit canon de la Catholic University of America, co-signent ce document de 21 pages à paraître dans l’édition d’août 2014 dans la revue théologique internationale. Celle-ci a déjà publié en ligne cette étude très argumentée des Récentes propositions pour l’accompagnement pastoral des personnes divorcées remariées – Evaluation critique en anglais, allemand, espagnol, français et italien, accessibles ici. La version française est .

Après un rappel historique montrant que l’indissolubilité du mariage est un enseignement constant de l’Eglise qui n’a d’ailleurs jamais été facile à accepter, sans oublier de redire sa signification la plus profonde qui est de « servir de signe sacramentel de l’amour du Christ pour son Epouse, l’Eglise », le pères dominicains mettent en lumière ce qu’il y de vraiment nouveau dans les propositions du cardinal Kasper :

« Au cœur des propositions actuelles, il y a un doute sur la chasteté. C’est en effet la suppression de l’obligation de la chasteté pour les personnes divorcées qui est leur principale innovation, puisque les personnes divorcées remariées qui, pour une raison sérieuse (telle que l’éducation des enfants), continuent de vivre ensemble, sont autorisées par l’Église à recevoir la communion si elles acceptent de vivre en frère et sœur et s’il n’y a pas de risque de scandale. Jean-Paul II et Benoît XVI ont tous deux enseigné cela. 

En tous les cas, l’hypothèse des propositions en question est qu’une telle chasteté est  impossible pour les personnes divorcées. N’y a-t-il pas là un désespoir caché vis-à-vis de la chasteté et de la puissance de la grâce sur le péché et sur le vice ? Le Christ appelle toute personne à la chasteté, selon son état de vie, que celle-ci soit non mariée, célibataire, mariée ou séparée. Il promet la grâce d’une vie chaste. »

Le document note que l’autorisation de communier qui serait au contraire donnée à des couples qui font délibérément le choix de ne pas vivre dans la chasteté, ferait naître « un réel danger qu’ils soient confirmés dans leur vice », sans parvenir à comprendre leur « état de péché objectif », tout en décourageant la loyauté de ceux qui vivent chastement ou s’y efforcent, en reconnaissant leurs chutes et en demandant la grâce de l’absolution pour repartir dans une intention droite.

Il balaie les objections quant à une prétendue pratique des premiers temps de l’Eglise quant à un possible second mariage, en soulignant qu’il s’agissait de permettre le remariage de jeunes veufs et veuves, ou le remariage de l’adultère après une période de pénitence de sept ans – après la rupture de la relation adultère. Et ce nonobstant les glissements ultérieurs de la pratique orthodoxe orientale, auxquels les pères consacrent des pages sans ambiguïté.

« En outre, les propositions actuelles préconisent ce que même les orthodoxes orientaux n’accepteraient pas : la communion pour ceux qui vivent des unions civiles (adultères) non bénies. Les orthodoxes orientaux admettent les personnes divorcées remariées à la communion seulement si leur union ultérieure a été bénie au cours d’un rite orthodoxe oriental. En d’autres termes, l’admission de personnes divorcées remariées à la communion exigerait inévitablement de l’Église catholique qu’elle reconnaisse et bénisse les seconds mariages après un divorce, ce qui est clairement contraire au dogme catholique établi et à l’enseignement expresse du Christ. »

Il s’agit pour les pères dominicains de montrer que si débat il y a eu, il a toujours été résolu dans le même sens au sein de l’Eglise catholique, notamment de manière solennelle par le Concile de Trente en pleine tourmente de la Réforme.

Ne pas y adhérer, soulignent-ils, c’est ouvrir la voie à bien d’autres aberrations : divorce, contraception, accès d’homosexuels pratiquants à la communion, bénédiction d’unions de même sexe, comme le font aujourd’hui les anglicans. 

« Ainsi, l’Église a rendu, dans le monde contemporain, un témoignage consistant à la vérité tout entière sur la sexualité humaine et la complémentarité des sexes. Le bien de la sexualité humaine est intrinsèquement lié à son potentiel à engendrer une vie nouvelle et sa juste place se trouve dans une vie partagée de fidélité réciproque et aimante entre un homme et une femme. Ce sont des vérités salvifiques que le monde a besoin d’entendre ; l’Église catholique est de plus en plus une voix solitaire qui les proclame. »

Serait-ce acceptable d’adopter les propositions de Walter Kasper dans le cadre d’une simple pratique pastorale ? Non, répondent les pères dominicains : cela nécessiterait « que l’Eglise accepte en principe que l’activité sexuelle en dehors d’un mariage définitif et fidèle est compatible avec la communion avec le Christ ».

« Si elle accepte cela, toutefois, on voit mal comment l’Église pourrait refuser d’admettre à la sainte communion des couples non mariés cohabitant ou des personnes engagées dans une union homosexuelle, etc. En effet, la logique de cette position suggère que l’Église devrait bénir de telles relations (comme le fait maintenant la Communion anglicane), et même accepter toute la gamme que comporte la « libération » sexuelle contemporaine. La communion pour les personnes divorcées remariées n’est que le début. »

Ils ajoutent qu’il est « très bon d’encourager » le désir de communion sacramentelle qu’éprouvent des divorcés remariés parce que cela peut les conduire à « se convertir » de leur péché, en renonçant à ce qui y fait obstacle. Un regret global quant au mariage antérieur ou à la situation nouvelle ne saurait suffire : il faut « la résolution de ne plus pécher ». Prétendre le contraire pourrait entraîner pour les divorcés remariés qui communieraient sans vouloir changer de vie – le ferme propos de s’amender – « des conséquences potentielles de la plus haute gravité ». Penser cela aboutirait également à « saper la doctrine de l’eucharistie ».

Les pères n’oublient pas de rappeler que le remariage des divorcés est cause de scandale, auquel leur accès à la communion sans intention de vivre dans la continence ajoute un nouveau scandale, faisant d’eux les « tentateurs de leur prochain ». […]

« On voit souvent l’approche pastorale comme opposée à l’approche canonique. C’est une  fausse dichotomie. Benoît XVI exhortait les séminaristes « à comprendre et – j’ose dire –à aimer le droit canon dans sa nécessité intrinsèque et dans les formes de son application pratique : une société sans droit serait une société privée de droits. Le droit est condition de l’amour. » L’approche canonique est pastorale par nature, parce qu’elle pose les conditions nécessaires en vérité pour changer les cœurs. Là où cela ne se produit pas, c’est le droit canon lui-même qui a été mal interprété. Malheureusement, ce qu’on appelle souvent approche pastorale mène à des décisions arbitraires et donc injustes. C’est le danger imminent lorsqu’on envisage d’abandonner les procédures tracées par le droit. » 

Pas question, ajoutent les pères, de s’en remettre au jugement de la conscience individuelle des protagonistes de ces affaires : parce qu’il est subjectif, mais aussi parce qu’il pourrait faire du tort au mari ou à la femme abandonnée après le premier mariage, ou aux enfants : un procès privé ne suffit pas. 

Que faire ? Pour les co-signataires de l’article, la première chose serait de remettre la chasteté à l’honneur. La deuxième, d’expliquer que le pardon et la miséricorde divines permettent réellement à l’homme de changer de l’intérieur pour « vivre libre du vice et du péché : ils guérissent. Mais pour cela, il faut « revitaliser la catéchèse sur ce point »… La troisième, de traiter les divorcés-remariés avec « respect » en les encourageant à continuer d’assister au « Sacrifice de la messe », à prier, à contribuer aux œuvres de charité, à « élever leurs enfants dans la foi chrétienne »… C’était là ce que demandait déjà Familiaris Consortio. La quatrième ? Mieux préparer au mariage. La cinquième : renforcer les tribunaux de première instance pour qu’ils puissent avoir les moyens de répondre aux demandes. Et enfin, montrer que l’enseignement de l’Eglise n’est pas intolérant mais vise le « bien authentique de toutes les personnes », et mène « au bonheur et à l’amour »."

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