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Cathophobie

Deux autres interprétations de la pièce de Castellucci

D'une part celle -favorable- d'Yves Daoudal dans son hebdomadaire :

"[I]l convient d’insister sur ce qui se passe sur la scène après les scènes d’incontinence du père. Les lumières s’éteignent. Le fils va vers le gigantesque visage du Christ qui par contraste devient plus lumineux, l’embrasse, et s’en va. Alors le portrait du Christ va se déformer, suinter d’un liquide sans doute fécal, puis se déchirer, et sous les déchirures et les souillures apparaît l’inscription « You are my Shepherd » (tu es mon berger). Au bout d’un moment le mot « not » s’insère: tu n’es pas mon berger. Mais il ne devient pas aussi lumineux que les autres mots. Et finalement, en surimpression, revient le visage du Christ d’Antonello de Messine, intact.

Si à la fin de la pièce le visage du Christ apparaît de nouveau, intact, il est difficile de ne pas voir que sa destruction est l’image de la Passion, suivie de la résurrection. Et le reste de la pièce, nonobstant l’obsession scatologique, est une parabole sentie de la condition humaine, car nous sommes en effet tous dans la merde, et nous tachons tout ce que nous touchons, sous le regard de Dieu, qui nous attend, qui attend même nos blasphèmes, ou nos doutes, mais qui est là, qui reste là, même quand nous avons tout démoli, et qui nous attend toujours. La pièce est finalement à l’image de notre époque, qui se complaît dans la déchéance et dans l’ordure, mais, à l’image de son auteur, elle oscille entre la foi et le doute. […]

Je crois que s’il avait fait une pièce blasphématoire et christianophobe, il l’aurait revendiqué, et il aurait alors été encore mieux considéré dans l’intelligentsia. Or ce qu’il dit dans ses interviews montrent un homme sincère. […] « You are my Shepherd » fait référence au psaume 22. Il est étonnant de constater que le « visage » de Dieu est un « concept » très répandu dans les psaumes, alors que le Seigneur Dieu n’a pas de visage avant d’avoir celui de son Fils. Et dans le psaume 21, le psaume de la Passion, celui qui commence par « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné », le Fils de Dieu dit à propos de son Père: « Il n’a pas détourné sa face de moi, et quand j’ai crié vers lui il m’a exaucé. »"

Puis celle -défavorable- de Jeanne Smits dans Présent :

"« Qui me voit, voit le Père », disait Notre-Seigneur, « en ce temps-là » et pour tous les temps. Sur la scène de Castellucci, c’est la même chose. Le tableau d’Antonello da Messina en fond de scène renvoie à cette relation entre Père et Fils qui se joue, d’une manière abjecte, devant lui, entre le père incontinent, ricanant méchamment de ce qu’il fait subir à sa progéniture, et ce fils qui se révèle incapable de nettoyer la m… répandue sur scène.

Image de la Création : d’un Dieu le Père qui répand le mal et la mort et assiste, impuissant et complice, à la déchéance finale de son œuvre. Entre eux – observait une auditrice de Radio Courtoisie – l’Esprit, symbolisé sur scène par les déjections du vieillard. Et de fait, Castellucci qui se vante de faire un théâtre « hors sens » a dit qu’au fond il voulait montrer « the spirit of the shit » (pas la peine de traduire). Cette idée d’un Dieu-Père nuisible, impotent et malveillant est celle que véhicule l’anti-culture de notre temps – on le retrouve, tel quel, dans un roman pour la jeunesse à succès de Philip Pullman (A la croisée des mondes).

Elle est précisément celle de Castellucci dans sa pièce Gènesi, relecture de la Genèse où Dieu crée puis laisse son œuvre s’enfoncer dans le mal, le malheur, la mort. On retrouve sa fondamentale inversion dans sa trilogie sur la Divine Comédie, où le ciel est le lieu sans espoir où l’homme est confronté à l’ennui éternel de devoir louer Dieu, et l’enfer celui où, finalement, il lui est possible de conserver son identité et de s’exprimer. Quant à ceux qui doutent de ses intentions blasphématoires, je les renvoie au Ministre au voile noir (prochainement programmé en Italie), qui lors d’une précédente mise en scène montrait le héros, ministre du culte protestant, s’enfiler des éclats de verre dans l’anus en disant trois fois le nom de Notre Seigneur."

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