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France : Politique en France

Demander à l’Etat de fixer un salaire minimum est une erreur

De Jean Rouvière dans Présent de jeudi :

"Baisser le coût du travail est une nécessité, mais la fixation du salaire ne devrait pas revenir à l’Etat. Mgr Freppel (1827-1891), évêque d’Angers et très actif pour promouvoir la doctrine sociale de l’Eglise, insistait sur la non-intervention de l’Etat en la matière : « Faire déterminer par la puissance publique la proportion entre les bénéfices et les salaires, qu’est-ce autre chose, sinon livrer à l’Etat, avec la liberté individuelle, toute la vie économique d’un pays ».

Demander à l’Etat de fixer un salaire minimum est, d’un point de vue économique, une erreur, car le salaire minimum en son principe revient à ne pas prendre en compte les inégalités de fait : âge, compétences, pénibilité du travail. Mgr Freppel insistait sur le caractère contractuel, donc personnel, qui doit lier l’employeur et l’employé : « Le travail de l’ouvrier, comme celui du patron, est d’ordre purement privé. Le contrat qui les lie l’un à l’autre est un contrat personnel, d’homme à homme, de particulier à particulier, et dans lequel les pouvoirs publics n’ont rien à voir, si ce n’est pour faire respecter la justice et la morale. »

Les papes, à l’époque contemporaine, ont exhorté les employeurs à donner un « juste salaire », qui a complété, plus que corrigé, l’idée du salaire comme résultant d’un contrat. Cette notion de « juste salaire » contredit aussi la revendication syndicaliste du « toujours plus ».

Donner un juste salaire ne consiste pas à s’en tenir au salaire défini par le contrat initial. Ce n’est pas non plus donner à tous le même salaire, ni non plus un salaire qui augmente sans cesse de manière mécanique. Le juste salaire tient compte des conditions du travail accompli (durée, compétences mises en œuvre, pénibilité), mais aussi de la situation personnelle de l’employé (célibataire ou chargé de famille) et de la situation de l’entreprise (bénéfices ou non, etc.). Pie XI, dans l’encyclique Quadragesimo anno (1931), exposait clairement la chose :

«Il serait injuste d’exiger des chefs d’entreprise qu’ils versent des salaires exagérés, qu’ils ne pourraient supporter sans courir à la ruine et entraîner les travailleurs avec eux dans le désastre. Assurément, si par son indolence, sa négligence, ou parce qu’elle n’a pas un suffisant souci du progrès économique et technique, l’entreprise réalise de moindres profits, elle ne peut se prévaloir de cette circonstance comme d’une raison légitime pour réduire le salaire des ouvriers. Mais si, d’autre part, les ressources lui manquent pour allouer à ses employés une équitable rémunération, soit qu’elle succombe elle-même sous le fardeau de charges injustifiées, soit qu’elle doive écouler ses produits à des prix injustement déprimés, ceux qui la réduisent à cette extrémité se rendent coupables d’une criante iniquité, car c’est par leur faute que les ouvriers sont privés de la rémunération qui leur est due, lorsque, sous l’empire de la nécessité, ils acceptent des salaires inférieurs à ce qu’ils étaient en droit de réclamer.»"

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12 commentaires

  1. certes, mais il y a aussi l’abus de position dominante.
    ensuite, il faut trouver les modulations qui correspondent à la réalité des marchés

  2. Que du bon sens…
    Le SMIC/G a dérégulé le marché du travail…

  3. Cette présentation des choses souligne la prudence de la DSE, mais néglige la règle précédemment énoncée par l’Encyclique Rerum Novarum :
    “il est une loi de justice naturelle plus élevée et plus ancienne, à savoir que le salaire ne doit pas être insuffisant à faire subsister l’ouvrier sobre et honnête et sa famille
    … Vu surtout la variété des circonstances des temps et des lieux. Il sera donc préférable [de] réserver [ la] solution [du problème des salaires] aux corporations ou syndicats … L’ouvrier … visera par de prudentes épargnes à se ménager un petit superflu qui lui permette de parvenir un jour à l’acquisition d’un modeste patrimoine”
    Cette encyclique publiée l’année de la mort de Mgr Freppel contredit le liéralisme excessif de cet évêque.
    L’encyclique Quadagesimo Anno, publiée en 1931 ne revient pas sur le pricipe, mais sur les abus possibles naissant d’un salaire minimum trop élevé.

  4. que vient faire Mgr Freppel sur ce terrain. Il faut bien voir que tous les corps intermédiaires entre le pur économique et l’Etat ont été supprimés : ce sont les constats de Tocqueville et Taine. Il en résulte deux monstres aussi effrayants l’un et l’autre : le léviathan contre la trop fameuse main invisible sensée résoudre tous les problèmes. Jacques Ellul a très bien décrit la croissance cancérigène de l’administration à partir de la IIIème république car l’Etat doit remplacer tous les corps intermédiaires supprimés par la révolution.
    Par le smig, l’Etat essaie de remplacer des mécanismes qu’il a supprimé. Mais parlé de juste salaire sans tout un contexte qui le rende possible c’est tout simplement parler dans le vide. Penser que les entreprises dans le contexte d’immoralité économique qui est le notre vont spontanément pratiquer le juste salaire simplement en les libérant du poids et de l’action de l’Etat me semble un faux raisonnement. Pour que l’Etat pratique la subsidiarité, il faudrait qu’il existe des corps intermédiaires un peu plus fonctionnels que les syndicats. Pour imaginer un Etat normalement constitué c’est une réflexion globale qu’il faut mener à moins de rèver au modèle allemand ou anglosaxon, alors évidemment…

  5. “Entre le fort et le faible, c’est la liberté qui opprime et c’est la loi qui affranchit.”
    Lacordaire

  6. En effet, il est évident que le SMIC, voulu (au moins présenté comme tel …) comme un salaire minimum, est maintenant un salaire maximum pour la plupart des employés.
    Environ 30 % des employés touchent max 1,3 fois le SMIC … Ce qui est une absurdité.
    Cela montre que le but réellement visé (payer le plus de personnes le moins possible) est le contraire du prétexte allégué.
    Si les salaires étaient libres, ou du moins réglementés par activité professionnelle, il y aurait moins d’employés ne touchant que le SMIC !
    Comme c’est l’Etat qui fixe le SMIC, les ouvriers et les syndicats n’ont aucun pouvoir dessus !
    Au final, qui est perdant et qui est gagnant, entre les ouvriers et le grand patronat ?
    Conclusion : abolissons le SMIC.

  7. L’economiste (noir) Thomas Sowell decrivait la loi instituant le Salaire Mininum comme “la Loi Pour le Chomage des Jeunes Noirs” (Black Youth Unemployment Act).
    Voir aussi sur le sujet cette video (3′) du lumineux Milton Friedman: http://www.youtube.com/watch?v=ca8Z__o52sk
    Passage-clef entre 50” et 1’15”.

  8. d’accord avec Laurent: la subsidiarité ne se décrète pas mais elle se construit “tous azimuts” et quand on est avec de l’existant c’est du bas d’abord (donc de nous là où nous sommes), mais aussi forcément d’en-haut (mais peut-on arriver en-haut sans passer par en bas, c’est la question à poser, surtout au FN…) et bien sûr que les corps intermédiaires résiduels peuvent aussi prendre leur autonomie/responsabilité dans la mesure du possible.

  9. Là aussi il serait intéressant d’écouter les débats de nos voisin allemands sur cette question … Dans ce pays – où les salaires nets sont supérieurs en moyenne aux salaires français, ils ont encore et toujours refusé d’établir un seul ‘SMIC’ .. Seulement des salaires négociés par type de tavail / branche et Land entre des instances patronales et des syndicats puissants, représentatifs et responsables . Le chômage en Allemagne est de 6 % aujoud’hui (7 % pour les jeunes de 20 à 30 ans) contre 11 % en France ( 20 % pour les jeunes de la même classe d’âge).

  10. La question est : un père de famille peut il faire vivre correctement sa femme et deux ou trois enfants aujourd’hui en France avec le SMIC ?
    Si oui le SMIC est correctement évalué, si non il est trop faible !

  11. “Penser que les entreprises dans le contexte d’immoralité économique qui est le notre vont spontanément pratiquer le juste salaire simplement en les libérant du poids et de l’action de l’Etat me semble un faux raisonnement.” Tout à fait d’accord, le problème du juste salaire est très ardu, surtout dans une société vouée à Mammon.

  12. 27 000 euros par mois pour un directeur de Science Po est-ce un juste salaire qui tient compte des compétences ?

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