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France : Politique en France

Dans la course parlementaire au passe vaccinal. Les paroles de deux parlementaires hostiles au projet de loi

Dans la course parlementaire au passe vaccinal. Les paroles de deux parlementaires hostiles au projet de loi

Au Sénat lors de la première lecture le 11 janvier, M.Loïc Hervé (Union centriste) a défendu une motion (appelée question préalable) pour que le Sénat décide qu’il n’y avait pas lieu de poursuivre la délibération du projet de loi :

« Aujourd’hui, nous en sommes au douzième texte législatif en vingt-deux mois. La caisse à outils n’est jamais assez complète ; à chaque fois, le Gouvernement vient demander au Parlement de la compléter. Ce faisant, nous avons pris le chemin sans retour de la limitation des libertés publiques ; nous devons nous poser maintenant la question de la marche arrière….  Mes chers collègues, je vous propose donc de dire un non ferme et définitif à cette très mauvaise idée du passe vaccinal, qui nous conduit tout droit au contrôle social généralisé… ; Pour conclure mon propos, je citerai Tocqueville : « Cet État se veut si bienveillant envers ses citoyens qu’il entend se substituer à eux dans l’organisation de leur propre vie. Ira-t-il jusqu’à les empêcher de vivre pour mieux les protéger d’eux-mêmes ? Le plus grand soin d’un bon gouvernement devrait être d’habituer peu à peu les peuples à se passer de lui. »

Et M.Hervé est revenu à la charge lors du vote sur l’ensemble du projet de loi le 15 janvier :

« Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, s’il avait fallu voter mille fois, j’aurais voté mille fois contre le passe sanitaire et le passe vaccinal… Si je suis revenu cet après-midi de ma terre d’élection, la Haute-Savoie, c’est parce que je pense à mes enfants et à la société que nous allons leur laisser. Finalement, le passe vaccinal, comme le passe sanitaire, vivra peu de temps. Il disparaîtra sans doute, mais l’outil aura existé dans notre droit et il laissera des traces qui seront beaucoup plus graves que l’outil lui-même. C’est pour cette raison que je voterai contre de nouveau ce soir… Je n’ai pas eu l’impression de vivre les plus grandes heures du Parlement français cet après-midi, ni d’ailleurs la semaine dernière. J’ai plutôt le sentiment que le Sénat perd la ligne directrice qui a toujours été la sienne dans son histoire, comme je l’ai dit en défendant la motion tendant à opposer la question préalable que j’ai déposée en première lecture. Sur la corde raide des libertés publiques, le Sénat a toujours su dire : « Stop ! On arrête, ça va trop loin ! » De mon point de vue, cela doit être notre rôle…. Au moment où certains d’entre vous, sans doute pleins de certitudes, sont persuadés que ce passe vaccinal aura forcément des effets très positifs pour le pays et pour lutter contre l’épidémie, moi, comme Ignace, j’ai des doutes. Ce soir, fort de ce doute méthodologique, je ne m’abstiendrai pas : je voterai contre : contre le passe sanitaire, contre le passe vaccinal, contre toutes ces nouvelles mesures privatives de libertés ».

Le compte-rendu ajoute : « M. Alain Houpert applaudit ». M.Hervé et M.Houpert (LR) ont organisé pour le Sénat un recours auprès du Conseil constitutionnel.

Un deuxième parlementaire a été particulièrement éloquent dans son refus de ce projet de loi. Il s’agit du député de la France Insoumise, M.François Ruffin, qui a lui aussi défendu une motion de rejet préalable, c’était le 16 janvier 2022 en dernière lecture. Un petit écho de son intervention a déjà été citée dans Le Salon beige. La qualité de son intervention rend la citation complète nécessaire :

« « Ce matin, les personnes de plus de 65 ans qui n’ont pas reçu leur troisième dose seront désactivées. » Entendant cette phrase à la radio à la mi-décembre, j’ai songé que nous avions plongé, en quelques mois, dans un scénario de science-fiction, dans un univers que même Orwell n’avait pas imaginé : parce que leur statut vaccinal n’est pas à jour – mais, finalement, peu importe le prétexte retenu, qu’il s’agisse de la vaccination ou d’un autre –, leur QR code n’est plus valide et des millions de Français ne peuvent plus accéder aux bistros, aux restaurants, aux bibliothèques, aux cinémas, ou encore aux TGV. Du jour au lendemain ou presque, depuis l’été dernier, vous avez improvisé un tri numérique. Vous avez tranquillement procédé à une exclusion massive. Vous avez créé une sous-citoyenneté. « Un irresponsable n’est plus un citoyen », déclare le Président de la République. Je ne lui reprocherai pas sa sincérité : il dit, finalement, ce qu’il fait – ce que vous faites – depuis maintenant un an. Et, vous pourrez vous en flatter, votre œuvre est amenée à durer. Car non, l’outil que vous vous proposez de créer ne sera ni provisoire ni temporaire : avec vous, nous n’en sortirons pas. À ce projet de loi, vous avez d’ailleurs refusé d’inscrire une date de fin, et pour cause : il n’y en aura pas.

Hannah Arendt nous avait prévenus : « C’est dans le vide de la pensée que s’inscrit le mal. » Le vide de votre pensée est effrayant ! Vous marquez une rupture, une rupture majeure avec l’égalité et la citoyenneté. C’est, au fond, un vrai projet de société que vous défendez. Mais comment vous y prenez-vous ? Vous agissez à la va-comme-je-te-pousse, par une série de glissements, comme sur un toboggan, sans avoir pensé la place des technologies dans la démocratie. Vous décidez grâce à des votes automatiques, dont l’issue est garantie par votre majorité pléthorique. Vous légiférez sur la base d’argumentaires fournis par les ministères. Vous le faites avec une bonne raison : les urgences étant surchargées, il s’agit de sauver des vies. Nous contestons cet argument.

Mais qu’importe, admettons qu’il s’agisse de sauver des vies. Le pouvoir trouvera toujours de bonnes raisons. Il s’agira toujours, au nom du contexte sanitaire, de la sécurité, et peut-être, demain, de l’écologie, de sauver des vies. Le premier pas est franchi, le principe est admis et vous verrez : cette technique ira désormais en se raffinant. En mille endroits, sur mille critères – de santé, de diplôme, d’âge, de porte-monnaie, voire, sait-on jamais, de groupe sanguin –, nous serons triés par portable interposé, selon que nous sommes fumeurs ou non-fumeurs, buveurs ou non-buveurs, automobilistes ou non.

Quelle sera la limite ? Qui posera des limites ? Cédric O, secrétaire d’État chargé de la transition numérique et des communications électroniques, nous a livré la vérité : selon lui, « cette crise offre l’opportunité d’une transformation plus volontaire encore ». Cette transformation qu’il veut et que vous menez repose sur un mélange de technologie et de sociologie. Elle est le symbole de la start-up nation qui, avec opportunisme, impose ses applications à chaque instant de nos vies. Elle est le fait d’une hyperclasse de diplômés, de fortunés, de « numérisés », qui relègue comme sous-citoyens les « gens qui ne sont rien » – pas seulement les non-vaccinés, mais aussi les déconnectés, les modestes, les précaires, les gilets jaunes et les vaincus de la mondialisation, qui n’appartiennent plus pleinement à la nation. Voilà votre projet !

Nous sommes pour la plupart entrés ici il y a près de cinq ans. Ce dimanche, avec cette loi, vient sans doute l’heure du bilan, l’heure d’un bilan moral. Vous étiez des femmes et des hommes neufs, vous prétendiez incarner la société civile, vous alliez « renouveler la vie publique »… et à l’arrivée, je vous regarde comme Dorian Gray devant son portrait…

Vos visages, extérieurement, n’ont pas vieilli, je vous rassure… mais vos âmes ? Qu’avez-vous fait de vos âmes ? Que leur infligez-vous, quand vous avancez depuis un an à coups de mensonges successifs ?  « Je l’ai dit, je le répète : la vaccination ne sera pas obligatoire », dixit Macron ; puis, en avril : « Le passe sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français », avant le célèbre « j’ai très envie de les emmerder ». Qu’infligez-vous à vos âmes quand vous instituez avec fierté et cynisme la tromperie en principe politique ? Que faites-vous de vos âmes, ce dimanche encore, quand vous allez voter le contrôle de tous par tous, partout, dans les bars comme dans les gares, par les serveurs comme par les ouvreurs, et alors même que la Défenseure des droits s’alarme du fait que ce projet accentue un peu plus le rétrécissement de nos libertés, et que vous ne trouvez qu’à la huer ? Il y a dans tout cela la banalité du mal qu’évoquait Hannah Arendt !

Nous serons une minorité ici à vous dire non. Nous sommes peut-être aussi une minorité au-dehors, mais ce sera notre honneur et notre fierté de dire non à ce projet désastreux pour l’avenir ! »

Le compte-rendu souligne que la fin de ce discours est accompagné par les réactions suivantes : « Applaudissements sur les bancs des groupes FI et GDR, Mme Martine Wonner applaudit également. – Exclamations sur plusieurs bancs du groupe LaREM ».

Vous allez peut-être observer : et les Républicains ? Une motion est suivie d’explications de vote par groupe. Voilà le début de l’explication de vote du Groupe LR par Mme Constance Le Grip :

« Le groupe Les Républicains votera contre cette motion de rejet préalable présentée par le groupe La France insoumise parce que nous ne nous retrouvons pas dans les arguments développés et que nous souhaitons, de manière responsable, aller jusqu’au terme du débat parlementaire ».

On ne peut pas être plus clair. Cela avait été confirmé par M.Bas, LR, rapporteur au Sénat lors de la deuxième lecture :

« Et nous avons une exigence fondamentale : que l’acceptation du principe du passe vaccinale l’emporte toujours sur les désaccords touchant à certaines modalités de sa mise en œuvre ».

Heureusement que dans ce Mouvement, il y a aussi M.Hervé, M.Houpert et le député Breton.

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1 commentaire

  1. La forfaiture généralisée continue donc chez les soi-disant républicains. Triste époque.

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