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L'Eglise : L'Eglise en France

Critique méthodologique du rapport de la CIASE

Critique méthodologique du rapport de la CIASE

La Nef diffuse l’analyse de Xavier Guillaume, remettant en cause les chiffres de la CIASE. Extrait :

[…] Je ne vais bien entendu pas faire une analyse des résultats obtenus mais simplement me concentrer sur deux chiffres issus de cette enquête qui m’ont laissé perplexe, sans qu’ils aient pour autant donné lieu à une analyse approfondie de l’Inserm ou de la CIASE :

1/ On apprend que 21 % des personnes dont le premier abus aurait été commis par un membre du clergé auraient porté plainte auprès des services de police ou de gendarmerie (tableau 50 du rapport de l’Inserm, p. 389). Si on applique ce 21 % au nombre extrapolé de victimes de membres du clergé (216 000), cela nous fait en gros 45 000 personnes ayant porté plainte contre un membre du clergé (fourchette basse : 35 000 environ ; fourchette haute : 57 000 environ). Or le rapport Sauvé affirme lui-même, au paragraphe § 0564, que « l’exploitation des archives de l’Église catholique et de la justice [c’est moi qui souligne], ainsi que des réponses aux questionnaires envoyés aux diocèses, ordres et congrégations, donne à connaître directement l’identité de 4832 personnes victimes ». Certes, les nombres ne peuvent pas être mis directement en rapport et il faudrait raffiner l’analyse, mais l’écart entre l’estimation qui peut être faite à partir de l’enquête et de ce qui est documenté est apparemment gigantesque. Même en enlevant ceux dont la plainte aurait été classée sans suite ou qui ne savent pas ce qu’elle est devenue, on arrive au chiffre d’au moins (hypothèse basse) 18 810 plaintes ce qui reste très supérieur aux cas apparemment documentés. Or comment comprendre qu’une plainte formelle n’ait pas été documentée ? Peut-on vraiment penser que la majorité des plaintes se soient perdues dans la nature ? Devant l’ampleur des chiffres avancés et face à la responsabilité que cela implique, il me semble qu’il aurait fallu entamer un travail de vérification, ce qui n’a pas été fait.

2/ Toujours en lisant le tableau 50 du rapport de l’Inserm, on apprend que seulement 4 % des personnes dont le premier abus a été commis par un membre du clergé en ont parlé à l’Église (41,9 % répondants disent en avoir parlé, et parmi eux, seulement 9,6 % en ont parlé à une « personne de l’institution religieuse »). Mais alors, de deux choses l’une : soit ce chiffre est tenu pour vrai et on doit conclure que la hiérarchie de l’Église ne pouvait pas être au courant de l’ampleur du phénomène puisque les cas ne lui étaient que rarement remontés (ce qui nuance fortement la « dimension systémique » des abus dans l’Église selon la formule utilisée par Mgr Éric de Moulins-Beaufort), soit ce chiffre est contesté et on se demande alors quels autres chiffres de ce sondage pourraient l’être.

En raison de ce grand nombre de victimes estimé par l’enquête en population générale, la CIASE conclut à une moyenne de 63 victimes par agresseur sur la base de la proportion d’agresseurs déduite des archives et de l’appel à témoignages (§ 0609). Ce chiffre est très élevé selon les propres aveux du rapport. À titre de comparaison, deux enquêtes aux États-Unis (celle du John Jay College en 2004 et d’un Grand Jury de Pennsylvanie en 2018) arrivent plutôt à une moyenne de 2-3 victimes par prêtre, et bien que ces enquêtes ne soient pas elles-mêmes exemptes de limites, ce chiffre est en accord avec ce que la CIASE a observé en sollicitant les diocèses et congrégations (§ 0588). En outre, l’étude de 30 dossiers judiciaires étudiés par l’EPHE révèle quant à elle un nombre moyen de 7 victimes par abuseur (§ 0540). La CIASE a aussi considéré d’autres hypothèses en augmentant la proportion de clercs abuseurs pour diminuer ce nombre moyen de victimes par agresseur mais celui-ci ne descend pas en dessous de 25 ce qui reste élevé (et au prix d’un pourcentage de prêtres abuseurs qui ne me semble pas très crédible). J’ai personnellement beaucoup de mal à croire qu’il y ait eu autant de victimes par agresseur sans que personne n’en sache rien. La CIASE s’efforce de citer deux publications montrant que le nombre moyen de victimes peut en effet être très élevé (p. 228 du rapport de la CIASE) mais ces publications ont une énorme limite : elles s’appuient sur la déclaration des abuseurs, sans aucune confirmation. Et quand on voit l’écart entre les moyennes et les médianes, on ne peut s’empêcher de penser à des personnes ayant donné des réponses aberrantes. Bref, le nombre de victimes par abuseur ne me semble pas du tout réaliste, et le problème vient à mon avis du nombre extrapolé de victimes qui est faux. […]

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