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Bioéthique

Bioéthique : Programmer une « rediscussion » signifie que ce qui est dit aujourd’hui sera dédit demain

Extrait d'une tribune de Vivien Hoch dans L'Homme Nouveau :

Unknown-25"Pendant des siècles, il n'y eût besoin ni de lois, ni d'éthique. Le serment d'Hippocrate et les grands archétypes (symboliques, mythologiques et religieux) suffisaient. Si une loi dite de « bioéthique » est rendue nécessaire en 1994 (1ère loi de bioéthique), c'est que les pratiques médicales ont transgressé les tabous ancestraux. Le caractère révisable de la loi de bioéthique a inscrit dans le sens commun l'idée que les grands principes intangibles sont devenus des obstacles aux progrès de la science, de la technique et de la société.  Programmer une « rediscussion » veut dire que ce qui est dit aujourd'hui sera dédit demain. L'idée même de faire une loi de bioéthique à un moment donné engage l'idée que l'éthique est provisoire, liquide et mouvante.  « Il n'y a pas de véritable construction éthique si tout changement consiste en une permissivité indéfinie par l'addition de nouvelles exceptions à ce qu'on présentait comme une règle », écrit Jacques Testart dans Le Monde du 6 janvier 2018.  

Certes, depuis la Phronesis d'Aristote, l'éthique a les mains dans le contingent, le possible et l’imprévisible. Mais rien ne dit qu'elle est elle-même provisoire. Au contraire, c'est le caractère contingent et provisoire de la vie humaine qui appelle une éthique à même de donner une ligne de conduite droite dans l’existence. En philosophie antique, l'éthique est la définition de cette pratique qui articule le contingent au permanent, le particulier à l'universel et le provisoire au nécessaire. Dans le cas où l'éthique abandonne sa prétention à l'universalité et à la permanence pour rejoindre la mobilité des pratiques humaines, à quoi sert-elle ?  

Aujourd’hui, la bioéthique sert surtout à mettre tout le monde d’accord. Le débat bioéthique se présente comme une articulation de deux forces : l'une « progressiste », qui veut favoriser son développement et sa fluidité ; l'autre « conservatrice », qui considère que le débat bioéthique est l'occasion de réaffirmer des principes fondamentaux sur la vie humaine. Cela recoupe l'opposition entre les « biotransgressistes » et les « bioconservateurs », termes régulièrement utilisés aujourd’hui par Luc Ferry ou Laurent Alexandre.  

Cette dichotomie, somme toute classique, en recoupe une autre. Très à la mode chez les décideurs politiques, la distinction wébérienne entre éthique de conviction et éthique de responsabilité aggrave encore le compartimentage de la morale publique. La conviction est renvoyée aux choix personnels et privés, tandis que la responsabilité regarde la vie publique. L’éthique dite de conviction permet tout simplement aux décideurs politiques de n'avoir ni idée, ni courage. Du moins, c'est ainsi qu'elle est interprétée. Ce qui est d'abord une distinction devient séparation : elle créé une éthique de situation, affranchie de toute référence objective et commune. Elle permet au responsable politique d'avoir une posture consensuelle, qui ne froisse pas ses électeurs, ses collègues et son parti, mais qui, revers de la médaille, est souvent vide.

La double opposition bioconservateurs / biotrangressistes et éthique de conviction / éthique de responsabilité trouve sa prétendue solution dans l’éthique de la discussion. Elle part d’un bon sentiment : l’éthique de la discussion se présente comme la solution pour mettre tout le monde d’accord. Son rôle est strictement procédural : elle doit mettre en œuvre les conditions d’un débat rationnel où chacun peut exprimer son point de vue. Cette procédure ne doit pas être étouffée par  le langage religieux, passionnel et même scientifique. […]"

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