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L'Eglise : Benoît XVI

Benoît XVI : coopérateur de la vérité, artisan d’unité et serviteur de notre joie

Le 22 février 2013, en la fête de la Chaire de Saint Pierre, le R.P. Louis-Marie de Blignières, fondateur de la Fraternité
Saint-Vincent-Ferrier, a prêché à la messe d’action de grâces pour
Joseph-Ratzinger – Benoît XVI, célébrée en la chapelle de l’Immaculée à Versailles (FSSP). La voici :

"T. S. Père, vous avez été, comme archevêque de Munich, comme préfet de
la Congrégation pour la Doctrine de la Foi et comme Souverain Pontife :
coopérateur de la vérité, artisan d’unité et serviteur de notre joie.

  1. 1.     
    Coopérateur
    de la vérité

1Votre ministère a été enraciné dans le souci constant d’ouvrir aux
hommes le chemin de la vérité, dans le contexte difficile de la modernité, et
pour cela vous avez su prendre du recul, en comprenant les enjeux : la
perte de la dimension métaphysique de l’intelligence et le déclin conséquent de la théologie de la création, celle qui voit
dans la nature et le corps un message de la sagesse de Dieu.

D’où votre œuvre de présentation catéchétique de la foi : des deux
conférences sur la catéchèse à Lyon et Paris en 1983… au CEC et à son Compendium en 1992 et 2005 ; d’où
votre insistance sur l’harmonie de la foi et de la raison, l’accord de la sagesse
grecque et de la révélation : de Veritatis
Splendor
et Fides et Ratio (encycliques
auxquelles vous avez collaboré en 1993 et 1998), jusqu’aux discours de
Ratisbonne et des Bernardins en 2006 et 2008, en passant par la conférence à la
Sorbonne en 1999 sur le christianisme comme religio
vera
.

Dans une époque de vacillation et de doute, vous avez rappelé, notamment
à l’Europe menacée de nihilisme, la pertinence de la loi naturelle, dans le
respect de l’homme et de la création, et la nécessité de « rendre visible
la foi comme l’alternative que le monde attend après la faillite de
l’expérience libérale et de celle de type marxiste » (Disc. aux Présidents
des Com. Doctr. des épiscopats européens, 2 mai 1989).

Je me souviens du jour où je vous disais que c’était grâce à l’amour
de la vérité qui transpirait dans vos œuvres, que j’avais retrouvé la communion
hiérarchique… et il me semble que vous y fûtes sensible. Merci, T. S. Père,
d’avoir été pour nous et pour tant de personnes (je pense à Magdi Cristiano
Allam et au Père Michel Viot par exemple) une incarnation attirante de l’amour
de la vérité.     

  1. 2.     
    Artisan
    d’unité

2Toute votre vie, vous avez été sensible à l’unité comme fruit et comme
preuve de la vérité. C’est
le souci de l’unité de l’Eglise, telle que le Christ l’a voulue, et du
magistère qui en est le garant, qui vous a fait, très rapidement après
l’optimisme du renouvellement que vous attendiez du Concile, prendre des
distances à l’égard de ceux qui y voyaient, non l’instrument d’une réforme,
mais l’occasion d’une révolution, un super-dogme et un commencement absolu. De
là la fondation de Communio pour
faire pièce à Concilium.

De là votre opposition, de plus en plus affirmée, comme théologien, puis
comme archevêque de Munich, au los von
Rom
[l’éloignement de Rome]. De là votre refus de la rupture sans précédent
introduite par l’interdiction des anciens rituels, car vous avez une conscience
aiguë que l’unité catholique dans la durée est garante de l’unité dans la foi. De là votre travail
incessant, comme préfet de la CDF, pour écarter les conceptions erronées sur la
nature du Peuple de Dieu, sur les rapports avec les autres religions, et sur
l’œcuménisme… travail manifesté notamment par Dominus Jesus. De là enfin, depuis le 22 décembre 2005, la lecture
de Vatican II que vous proposez selon une « herméneutique de la réforme
dans la continuité ».

De là votre travail acharné pour combattre la décadence de la christologie, par la lecture de l’Ecriture dans
l’analogie de la foi, en redonnant sa place centrale au titre de Fils au sens métaphysique, loin d’un
Jésus purement empirique ; et conséquemment, votre opposition à une notion
bureaucratique de la communion ecclésiale, en remettant en honneur la réalité
de l’Eglise comme Corps mystique, qui seule donne à la communion sa dimension
surnaturelle.

Ce faisant, vous avez insisté sur la nécessité d’une théologie de
l’enfance, sur la portée théologique de notre « être-fils » (Kindsein). Nous sommes fils de Dieu en
Jésus, et à cause de cela, nous sommes fils de l’Eglise. Cette redécouverte de
la piété filiale à l’égard de l’Eglise et de son être historique permet de
comprendre votre souci de l’unité entre les baptisés (ad extra les réformés, les orientaux ; ad intra les traditionnels latins), avec les sacrifices que cela
peut entraîner pour discerner ce qui est essentiel à l’être catholique et ce
qui peut et doit  être diversité dans
l’unité, ou lieu d’un légitime débat.

Je me souviens de ce jour de juillet 1988, où, en compagnie des
prêtres qui ont été ensuite à l’origine de la Fraternité Saint-Pierre, je vous
demandais s’il y avait une place dans l’Eglise pour des prêtres qui ne diraient
jamais le nouveau rit et qui ne feraient jamais schisme ; et vous nous
répondîtes : « La main que l’Eglise a tendue à Mgr Lefebvre reste
ouverte pour ceux qui veulent la saisir ». Merci, T. S. Père, d’avoir
été pour nous et pour tant de personnes, artisan d’unité dans la vérité. Nous ne
regrettons certes pas cette main tendue que nous avons baisée.

  1. 3.     
    Serviteur de
    notre joie

3Un thème constamment présent dans votre ministère, de vos œuvres de
théologien à l’encyclique Spe Salvi,
est celui de la vie éternelle. Vous avez sans cesse réagi contre la réduction horizontale de l’eschatologie à l’utopie d’un « monde
meilleur », ou à la paix terrestre recherchée comme bien ultime, qui
semblent être devenus « le véritable objet de l’espérance et le vrai
critère éthique ». « C’est à peine si la foi en la vie éternelle joue
encore un rôle dans la prédication aujourd’hui », avez-vous dit, y voyant
« la menace d’une réduction radicale du contenu de notre foi » (Disc.
cité du 2 mai 1989).

Votre ministère cardinalice et pontifical a été, en contrepoint, comme
un hymne à l’espérance dans la vie éternelle. Certes, vous avez affronté les
défis culturels, sociaux et politiques de l’heure, et encouragé la contribution
de l’Eglise au bien de l’humanité, notamment dans Caritas in veritate. Mais vous l’avez fait en « serviteur de
notre joie », selon la belle définition de votre ministère pétrinien, que
vous avez donnée lors de votre messe d’intronisation papale. Notre joie ne peut
être seulement terrestre, elle est dans le Royaume de Dieu, dans la charité mutuelle
des chrétiens, dans les béatitudes du Sermon sur la montagne… qui sont la vie
éternelle commencée.

Ce service de la joie chrétienne est, pour vous, porté par la
beauté : beauté de la liturgie, beauté de l’art chrétien, beauté de la vie
chrétienne. Vous avez rétabli les droits de l’usage antique du missel romain,
trop longtemps combattu : non seulement parce qu’il « doit être
honoré en raison de son usage vénérable et antique » (Summorum Pontificum) ; non seulement par un évident désir de
l’unité et par un courageux souci de la justice ; mais aussi à cause de la
beauté de ce rite, qui véhicule la sacralité et soutient l’adoration. « J’avais
oublié à quel point les prières de ce Missel portent à l’adoration »,
disiez-vous après avoir célébré de nouveau cette messe dans une communauté Ecclesia Dei.

Votre amour de la beauté dans l’art, vous l’avez exprimé à de
nombreuses reprises, notamment à Barcelone en 2010 : « La beauté est
révélatrice de Dieu, parce que, comme Lui, l’œuvre belle est pure gratuité,
elle invite à la liberté et arrache à l’égoïsme ». Et votre amour de la
beauté dans la vie chrétienne a été manifeste dans la façon dont vous avez
dénoncé et combattu ce qui la souillait dans la vie de l’Eglise. Comment
avez-vous eu le courage de dire toujours sereinement la vérité sur le mal et la
laideur : depuis vos fameux Entretiens
sur la foi,
jusqu’aux discours et aux mesures contre les scandales de mœurs
dans l’Eglise, en passant par le Chemin de Croix de 2005 ?

La réponse est dans votre extrême sensibilité à la beauté de l’amour, dans
votre rayonnante humilité, dans votre joie spirituelle. Vous savez que le mal
n’est jamais ultimement vainqueur. En écoutant Blaise Pascal parler des saints
et du Christ, je ne peux me défendre de penser à vous : « Les saints
ont leur empire, leur éclat, leur victoire, leur lustre, et n’ont nul besoin
des grandeurs charnelles ou spirituelles [dans le sens de :
intellectuelles]. Ils sont vus de Dieu et des anges, et non des corps ni des
esprits curieux. Dieu leur suffit. […] Il eût été inutile à Notre Seigneur
Jésus-Christ pour éclater dans son règne de sainteté, de venir en roi, mais il
y est bien venu avec l’éclat de son ordre  » (Pensées, Brunschvig, n. 793). « L’éclat de votre
ordre », T. S. Père, c’est celui de la vérité dans l’humilité. Comme
un Agneau de Dieu, vous touchez les cœurs par la grandeur de l’intelligence
jointe à la délicatesse de l’amour. « La puissance fait défaut à la
vérité, d’autant plus qu’elle est plus noble. […] Plus une vérité est noble,
plus aisément les réalités grossières peuvent la pousser de côté ou la couvrir
de ridicule ; plus elle doit compter sur l’attitude chevaleresque de
l’esprit. » (Romano Guardini, Le
Seigneur
, II, 253). Merci, T.S. Père, d’avoir été, pour nous et pour
tant de personnes, un « amant de la beauté spirituelle » (Règle de S.
Augustin) et un serviteur de notre joie.

Merci, T. S. Père, d’avoir été, pour l’Eglise et pour nous, depuis
plus de trente ans, en contrepoint du relativisme, de l’égoïsme et du
désespoir, une épiphanie chrétienne de la vérité,
de l’unité et de la joie.

Fr. L.-M. de Blignières, fondateur de la Fraternité
Saint-Vincent-Ferrier"

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