Partager cet article

L'Eglise : L'Eglise en France

“Aujourd’hui, les jeunes choisissent un séminaire comme on choisit une école de commerce”

Entretien donné par Mgr Rey, évêque de Fréjus-Toulon, dans le Monde de samedi :

"Votre diocèse est, avec celui de Paris qui procède dimanche à dix ordinations, le seul diocèse de France à fournir autant de nouveaux prêtres. Comment s'explique cette situation ?

RFace à un clergé qui avait du mal à se renouveler, mes prédécesseurs ont cherché des vocations ailleurs. Cela semblait à certains une entreprise risquée, mais je me suis inscrit dans ce sillage : j'ai développé la présence de communautés nouvelles pour enrichir et féconder le terrain local. A présent, il y a dans le diocèse une cinquantaine de ces mouvements, venus d'autres univers, dont 25 forment des prêtres.

Quelle que soit leur origine, les futurs prêtres reçoivent un tronc commun de formation au séminaire diocésain, lieu fédérateur. Il accueille 80 séminaristes, dont une douzaine sont originaires du diocèse, d'autres viennent du reste de la France pour rejoindre des mouvements installés dans le Var, d'autres arrivent de l'étranger. Ils reçoivent un accompagnement pour favoriser l'inculturation au diocèse, et cela ne se limite pas à des cours de français ! Le séminaire prend en compte leur identité particulière, leur charisme.

Aujourd'hui, les jeunes choisissent un séminaire comme on choisit une école de commerce, par Internet ; ils recherchent un parcours significatif. La référence territoriale n'agit plus. Cette approche correspond à ce qui se passe dans la société civile, caractérisée par un fonctionnement en réseaux et une mondialisation des échanges.

Certains de vos confrères ont vu dans ces choix une politique du chiffre, fragile pour la vie des diocèses. Quel bilan en tirez-vous ?

Il y a toujours une suspicion face à ce qui dérange les habitudes, ce qui sort du bien-pensant. On sera jugé dans vingt ou trente ans ! En Europe, on fait face à un fort déclin des vocations religieuses. Quand on n'a plus dans un diocèse qu'une quinzaine de prêtres, dont la moyenne d'âge est de 72 ans, on ne peut tenir le terrain. Cela accélère le décrochage de la vie de foi. Si on veut mettre en place de nouvelles logiques, il faut de nouvelles ressources. J'ai pu lancer des campagnes d'évangélisation parce que j'ai un nombre suffisant de prêtres et de religieux mobilisés. L'installation d'une communauté nouvelle peut revitaliser une paroisse, à condition que ce ne soit pas vécu comme un parachutage. Le diocèse affiche un certain dynamisme. La pratique religieuse et le nombre d'enfants catéchisés y connaissent une décélération moins forte qu'ailleurs. Mais on est conscient que, plus le clergé est diversifié, plus il faut travailler pour éviter la juxtaposition de chapelles. Ici, les visions peuvent être différentes, mais on partage des fondamentaux, comme la nouvelle évangélisation. Par ailleurs, des communautés, pleines de zèle mais fragiles, n'ont pas réussi leur inculturation ; elles sont reparties dans leur pays.

Vous privilégiez la " nouvelle évangélisation ", en développant notamment une présence dans des quartiers musulmans. Comment cela se passe-t-il ?

Une composante de cette nouvelle évangélisation a en effet consisté à installer une communauté de prêtres traditionalistes dans un quartier de centre-ville à majorité musulmane. Certains de ces prêtres ont reçu une formation au monde musulman. L'évangélisation ne doit pas être de la provocation, mais peut se faire à travers des rencontres, en toute délicatesse. Dans ce quartier, nous organisons des processions, et cela se passe très bien. Ces rencontres peuvent entraîner un questionnement puis un itinéraire vers un baptême. Mais le but n'est pas d'ordre statistique. Dans une société sécularisée où la présence chrétienne est effacée, l'important est de lui donner une visibilité. La foi n'est pas seulement quelque chose d'intime, c'est aussi une manifestation collective. L'Eglise doit être aussi un signe pour ceux qui sont à l'extérieur. Il nous faut mettre en place des outils spécifiques en fonction des publics que l'on veut toucher : premier cercle des chrétiens, "saisonniers" – de l'Eglise – , croyants du parvis ou ceux qui sont les plus éloignés du catholicisme."

Partager cet article

6 commentaires

  1. Bravo !
    « visibilité » : tout est dit !
    Dans une société où la seule visibilité sont les minorités visibles, quel beau pied de nez !
    Ce qui manque au clergé en France est la visibilité : il n’ose pas.
    Pour une religion qui promeut la lumière à ne pas mettre sous le boisseau… c’est ballot !
    Bravo Monseigneur ! Puissiez-vous faire de nombreux émules… et que la Sainte Vierge vous bénisse et vous protège !

  2. Super évêque, super diocèse… Les jeunes qui viennent s’y former font à mon sens un bon choix.

  3. … pour reprendre un terme commercial (en reprenant la déclaration de Monseigneur), j’ai envie de dire que c’est une démarche “win-win”.

  4. Pour les futurs séminaristes, la logique territoriale ne fonctionne plus. Il est sans doute temps de renoncer à certains aspects du modèle grégorien de gouvernement de l’Eglise et de privilégier les ensembles spirituels à la place des ensembles territoriaux.
    Car ce qui se passe dans le Var pourrait être étendu à toute la France.

  5. Bravo Monseigneur, si tous les diocèses de France se mettent a votre image le pari de la réevangélisation est gagné, bravo pour toutes vos actions. Bernard

  6. Merci Monseigneur,
    vous consolez une maman de séminariste pas assez hypocrite pour se noyer dans le moule d’un séminaire marxiste!!!

Publier une réponse

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services