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Bioéthique / Institutions internationales

Aucun droit à la PMA post-mortem

Aucun droit à la PMA post-mortem

Nicolas Bauer, chercheur associé à l’ECLJ, analyse sur Gènéthique les dernières décisions de la CEDH en matière de PMA « post-mortem » :

Valérie Dalleau avait déposé en 2018 une requête à la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) demandant le droit de faire un enfant avec son compagnon décédé. Une telle procréation médicalement assistée (PMA) est dite « post-mortem », c’est-à-dire après le décès de l’un des deux parents.

Mme Dalleau contestait le refus des autorités françaises de transférer des spermatozoïdes congelés de son compagnon vers une clinique espagnole où elle pourrait procéder à une insémination post mortem. La loi française impose en effet que les deux membres du couple désireux de recourir à une PMA soient « vivants » et qu’il soit mis fin à la conservation des gamètes en cas de décès de la personne.

Mme Dalleau invoquait l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, protégeant le droit au respect de sa vie privée et familiale.

La CEDH valide l’interdiction de la PMA « post-mortem »

Par une décision publiée le 9 février 2023, la CEDH a rayé du rôle l’affaire Valérie Dalleau contre France. Cela signifie que l’affaire est clôturée. Cette radiation du rôle a été sollicitée par Mme Dalleau elle-même, qui a informé la Cour le 2 décembre 2022 de son souhait de ne pas maintenir sa requête. Les raisons de ce choix ne sont pas connues.

Ce qui est certain, à la lumière d’un autre jugement rendu quelques jours plus tard, c’est que si Mme Dalleau avait maintenu sa requête, celle-ci aurait été rejetée par la CEDH. En effet, le 8 décembre 2022, la Cour a validé l’interdiction de la PMA « post-mortem » dans son arrêt Pejřilová contre République Tchèque. Dans cette affaire tchèque, une veuve demandait à être inséminée avec les gamètes de son mari décédé (cf. CEDH : l’accès à la PMA post-mortem relève du droit national). Elle aussi invoquait l’article 8 de la Convention européenne.

Le droit de connaître ses parents et d’être élevés par eux

L’ECLJ a été autorisé par la Cour à intervenir dans ces procédures en tant que tierce-partie. L’issue de ces affaires est une victoire pour l’organisation : le jugement Pejřilová confirme qu’il n’existe aucun droit de faire un enfant avec un mort.

Ce jugement rassure les Etats qui, comme la France et la République tchèque, interdisent la PMA « post-mortem ». C’est le cas de 39 des 46 Etats du Conseil de l’Europe [2]. Le jugement Pejřilová découragera également les nombreuses personnes qui multiplient les requêtes à la CEDH pour revendiquer le droit à des bricolages procréatifs parfois farfelus, sans considération de l’intérêt des enfants.

Cela dit, l’importance donnée par la CEDH à l’absence de « consensus européen » est dangereuse [3]. Même si, un jour, la majorité des Etats venaient à légaliser la PMA « post-mortem », la raison fondamentale de ne pas proclamer un tel droit sera toujours la même. Concevoir ainsi un enfant viole le droit de cet enfant de connaître ses parents et d’être élevé par eux. Ce droit est reconnu à l’article 7 §1 dans la Convention internationale des droits de l’enfant (1989). Ce droit est fondamental, qu’il y ait ou non un « consensus européen » sur le sujet.

La Cour distingue (maladroitement) entre embryon et gamète 

Dans son jugement Pejřilová, la CEDH précise :

« le problème dénoncé en l’espèce ne concerne pas l’utilisation d’embryons congelés, auxquels la Cour a reconnu un certain “potentiel de vie”, mais la possibilité d’utiliser le sperme cryoconservé d’une personne décédée. Cela soulève plutôt une question éthique qui implique des considérations d’intérêt public pouvant se rattacher, entre autres, à la situation des enfants à naître » [4].

La formulation de la Cour est maladroite, mais reconnaît qu’un embryon a une nature différente de celle d’un gamète. Dans la réflexion sur le devenir d’un embryon, la CEDH indique que son « potentiel de vie » doit être pris en compte. Au contraire, lorsqu’il s’agit de gamètes, l’unique question qui se pose est l’opportunité de les féconder in vitro, c’est-à-dire de concevoir délibérément un embryon par un moyen artificiel.

Il est nécessaire d’expliciter cette distinction de nature, qui fonde – ou devrait fonder – une distinction juridique. En réalité, un embryon est un petit homme. Il n’a pas un simple « potentiel de vie », mais il est pleinement vivant et humain. Un embryon devrait avoir un droit absolu au respect de sa vie. C’est son premier droit. Au contraire, un gamète n’est pas un être humain mais l’une des cellules d’un être humain. Un gamète n’a donc aucun droit et ne doit pas être utilisé pour concevoir délibérément un enfant dans une situation précaire.

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