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Au Cœur des Hommes sur les pas de saint Joseph

Au Cœur des Hommes sur les pas de saint Joseph

D’Antoine Bordier :

Le 8 décembre 2020 à Rome, le pape François fêtait l’Immaculée Conception de la Vierge Marie et les 150 ans de la proclamation par le pape Pie IX de saint Joseph « Patron de l’Eglise Universelle ». Il lançait, aussi, l’année saint Joseph, qui se clôturera le 8 décembre prochain. Au Cœur Des Hommes, une association atypique, a décidé de fêter aussi ce saint, époux de la Vierge Marie et père adoptif de Jésus. Son Délégué Général aborde, lors d’un long entretien, les questions qui se posent sur la masculinité, la paternité, et, la virilité. En ces temps troublés, où le nombre de divorces explose et où ces valeurs semblent avoir disparu, l’homme déboussolé serait-il de retour ?

Bertrand Chevallier-Chantepie, vous êtes le Délégué Général de cette association, pouvez-vous vous présenter ?

Avant de me présenter, il faut que je vous parle de la genèse de mon implication dans cette association qui existe depuis 7 ans. Tout a démarré en 2016, quand un parent d’élève de l’école de ma fille m’a proposé de participer à un weekend entre hommes. J’ai trouvé l’idée aussi séduisante que surprenante (à l’époque, c’était plus que tendu dans mon couple). J’en ai été profondément marqué. Là où je croyais être seul au monde avec mes problèmes insolubles, j’ai découvert que j’étais au contraire entouré par d’autres gars, qui semblaient aller parfaitement bien et qui trempaient dans la même gadoue. Et puis, j’y ai vécu une guérison intérieure avec une confession, qui m’a littéralement libéré. L’aventure ACDH a commencé comme cela. Sinon, pour répondre à votre question, je suis marié et père de 3 enfants. Professionnellement, j’ai travaillé pendant 20 ans dans le milieu informatique. Avec ACDH, j’ai compris que ma voie n’était pas de vendre des infrastructures informatiques pour équiper les datacenters, mais de travailler avec la personne humaine pour la faire grandir. J’ai co-fondé Revelacio avec un ami rencontré au sein d’ACDH, Olivier Lantelme. Revelacio est un cabinet destiné à accompagner la transformation du management vers la réconciliation durable des enjeux économiques, humains et environnementaux via une conscience de la dignité de la personne humaine au cœur de toute relation.

 Votre foi semble jouer un rôle important dans votre vie. Est-ce que vous la vivez, aussi, en couple, en famille ?

J’ai grandi dans une famille catholique. Ma véritable conversion, LA rencontre, remonte à une nuit d’adoration en Pologne, pendant les JMJ de 91. Là, j’ai une l’immense grâce de rencontrer le Père à travers son Fils. Il m’a saisi pour la vie à travers une parole claire et puissante, une présence sidérante. Depuis je m’efforce de mener ma vie en présence de Jésus, et de Le laisser agir à ma place. Se mettre en Sa présence est un défi de chaque instant qui impose une fine conscience de soi et juste distance vis-à-vis de ses automatismes intérieurs qui nous font quitter l’instant. Ma femme, rencontrée quelques jours après cet événement fondateur lors des JMJ, m’a ensuite permis de grandir dans ma foi. Depuis, nous n’avons cessé de chercher Dieu et de nous laisser modeler par Lui, même à travers les épreuves y compris les crises de couple et la maladie.

Parlez-nous davantage de votre association. Est-ce que l’homme, sa masculinité, sa paternité, sa virilité sont en voie de disparition ?

La question primordiale et initiale derrière la fondation de l’association ACDH est « Qu’as-tu fait de tes rêves de gosse ? ». Ces amis se sont retrouvés dans une abbaye à l’occasion d’un enterrement de vie de garçon et ont partagé leurs intuitions et réflexions la nuit durant. Sans savoir comment s’y prendre, ils s’en sont ouverts à Mgr Rey (NDLR : évêque de Fréjus-Toulon), qui les a encouragés. Nous étions dans un lieu magnifique, à la Sainte Baume. L’homme est malade, il est blessé. Et pour retrouver son âme, il doit oser à la fois visiter son cœur, lieu de ses désirs enfouis et quitter ses attaches intérieures après s’être équipé pour la route. D’où le nom de l’association. Nous organisons des camps entre hommes. Le premier camp a eu lieu en 2014. Nous en avons organisé une demi-douzaine, depuis. Cette année, nous allons innover avec le lancement des camps père-fils (14-18 ans) assez disruptifs, focalisant sur deux piliers : la transmission et la relation. Ça va décoiffer autant pour les pères que les fils.

Au-delà de vos camps, quels sont vos objectifs ?

L’objectif d’ACDH est de fortifier l’homme dans sa mission particulière en lui redonnant les clés de lecture de son identité personnelle, fondamentale et non négociable. Une personne humaine bien construite est d’abord consciente qu’elle est une personne humaine. La question venant immédiatement après, est relative à la masculinité et la féminité. Il n’y a pas d’autre option : je suis homme ou je suis femme. Et les réponses ne sont pas si faciles car la vie nous malmène, le monde nous embrouille, les lois actuelles mortifères nous accusent. Où trouver une réponse claire et facile afin de répondre aux questions d’identité masculine ? ACDH propose une expérience impactante, intégrant les trois dimensions corps-cœur-esprit. Le moteur de vie est un mélange de désirs profonds du cœur de l’homme, de sens à la vie, de dons et de talents. Dans ce moteur, il y a des grains de sable qui le grippent comme des croyances limitantes, des freins et des peurs issues de l’enfance. Nous abordons également l’urgence d’identifier sa mission, de prendre conscience de sa responsabilité personnelle et de l’enraciner dans un engagement. Cette année, nous proposons 4 camps de 3 jours, pour les hommes de 20 à 77 ans, quel que soit leur état de vie (au Mont Saint Michel, à la Chartreuse et et à la Sainte Baume), et 2 weekends père-fils, âgés de 14 à 18 ans une proposition nouvelle et disruptive (en forêt de Fontainebleau et dans le Puy-de-Dôme).

Le 8 décembre dernier, l’Eglise fêtait l’Immaculée Conception, les 150 ans de la proclamation de saint Joseph comme Patron de l’Eglise Universelle, et, le pape François lançait “l’année saint Joseph”. Comment avez-vous vécu cela ? Ne sommes-nous pas là, avec saint Joseph “au cœur des hommes” ?

Absolument ! J’ai vécu cette décision du pape avec une grande joie, d’autant plus que c’est l’année où nous lançons ces weekend père-fils. Nous marchons sur les pas de saint Joseph. La filiation nous semble essentielle, et plus encore au moment où la loi autorise la filiation sans père. Il faut bien comprendre que l’homme ne nait pas homme, il le devient. Il doit en effet parcourir une quête tout au long de sa croissance pour quitter le féminin d’où il vient puisque fusionnant totalement avec sa maman au moment de sa gestation et même après sa naissance, donc le garçon arrive au monde totalement féminin. Cela a été le cas aussi pour Jésus. Le rôle du père est essentiel dans ce cheminement de croissance et de quête vers son identité d’homme. Le père fait grandir, il sépare et prépare à la mission de vie. Joseph a eu ce rôle et cette mission sainte, confiée par le Père, d’accompagner Jésus sur son chemin de croissance. Nous essayons de suivre son exemple.

Saint Joseph, le chaste époux de la Vierge Marie et le père adoptif de Jésus, est donné en exemple par le pape pour les hommes de notre temps. Qu’est-ce qui vous attire chez ce saint : sa masculinité forte, sa paternité douce, son rôle de chaste époux ?

Ce qui me plaît beaucoup avec saint Joseph, c’est d’abord qu’il est « juste » devant Dieu, c’est-à-dire saint, et qu’il l’est avant d’avoir été appelé à être le père adoptif de Jésus. Donc, on sait par-là que Joseph connaît Dieu avant d’avoir accueilli le Fils. C’est ce à quoi nous sommes tous appelés. Marie donne son Fiat face à l’ange Gabriel, Joseph donne le sien en face de l’ange du Seigneur. Joseph est docile à l’Esprit Saint d’une manière déconcertante, et cela m’interpelle quant à ma capacité à lâcher prise et à m’abandonner à la providence. Dès lors, comment nous rapprocher du modèle de Joseph comme homme ? Le corollaire de cette question : comment devenir un saint ? La sainteté est un véritable combat, une lutte pied à pied avec notre inclinaison naturelle au péché. Joseph avait clairement livré ce combat avant que sa mission ne lui soit confiée.

Au Cœur des Hommes répond à un triple défi : celui de la masculinité vécue sans tabou, celui de la paternité heureuse, et, celui du bon époux. Est-ce que vous rejoignez Rudyard Kipling, et, son fameux poème : “Si tu peux voir détruit l’ouvrage de ta vie…Tu seras un homme, mon fils»?  Comment réussir ce triple défi ?

Je dirais que la mission d’époux et de père se pose naturellement sur une masculinité assumée et bien intégrée. Avant d’être père, avant d’être un époux, je suis un homme. Et si ce socle est de travers, mal intégré, mou, sans fondement, c’est tout l’édifice qui risque de s’écrouler tôt ou tard. On ne le voit que trop. Nous recevons moulte enseignements sur le rôle du père ou d’époux, mais sur ce qu’est un homme, c’est le silence total. Or c’est la racine de notre vocation. C’est un fait objectif essentiel, comme le nez au milieu du visage. On a l’impression que la crainte du féminisme, qui s’est inséré jusque dans nos sacristies, ou l’ignorance du sujet font taire nos prêtres devenus timides voire circonspects au sujet de la virilité, parfois même sujet de raillerie. Le modèle de virilité par excellence, c’est le Christ. Doux avec les doux, fort avec les forts. Kipling nous offre un magnifique poème au sujet de la virilité. 

Philippe Oswald, ancien journaliste, avait écrit, en 1998, le livre : Debout les pères ! 23 ans plus tard, la masculinité semble très malmenée, méprisée voire piétinée pour ne plus exister. Que pensez-vous de ce qu’il écrit : « Le XXIe siècle doit retrouver la juste relation homme/femme et celle du père et de la mère vis-à-vis des enfants. Chacun ayant un rôle bien spécifique à jouer, rôle corrélé à la différence sexuelle. »

Cette perte d’identité n’est pas une question d’opinion mais de faits qui se manifestent dans les divorces de 75% des couples parisiens et un triste 50% en province. Sans identité, comment voulez-vous construire qui que ce soit ? Proposer une loi qui favorise le divorce plutôt que d’aider les couples est criminel. Rédiger et voter des lois bioéthiques permettant de produire artificiellement des enfants pour la recherche ou commander des enfants à partir de gamètes congelés est totalitariste. Et, que penser de celles et ceux qui votent ces lois, dans la nuit ? Certains me trouveront un peu dur, mais il est temps de nous réveiller. Tout cela m’amène à méditer avec une des dernières paroles du Christ en croix : « Père, pardonne leurs, ils ne savent pas ce qu’ils font ». Notre ennemi n’est jamais la personne humaine, mais son aveuglement et ses actes mortifères.

Comment en sommes-nous arrivés-là ? Ne sommes-nous pas passés d’un extrême à un autre ? Où la femme n’avait ni âme, ni le droit de vote, à sa toute-puissance où “elle a fait un bébé toute seule”, elle divorce sans avoir besoin de se justifier (+ de 80% des divorces sont initiés par les femmes).

La femme est perdue tout autant que l’homme. Peut-être encore plus que l’homme. Quand la femme est perdue elle fait comme Eve : elle (re)prend le contrôle. Quand l’homme est perdu, il fait comme Adam, il se cache dans sa lâcheté, il se dérobe et accuse Eve. Dieu part à sa recherche et le supplie : « Où te caches-tu ? ». Le Dieu fidèle nous aime inconditionnellement (heureusement !) ; nous devrions sauter sur l’occasion pour Lui sauter dans les bras et revenir à Lui dans la vérité de notre vie faite d’action et d’inaction, de contrôle abusif et de lâcheté criminelle.

Pour conclure, comment vivre heureux dans le couple ?

La clé de la paix dans les couples ? Voilà une question difficile et douloureuse. On peut commencer par des choses simples, par exemple que chacun aille bien personnellement et individuellement sans faire reposer son mal être sur les épaules de son conjoint. On peut, aussi, se détendre et nous rappeler que nous sommes faits pour l’amour inconditionnel du Père, dans une union parfaite à Dieu, et que l’amour de notre conjoint, même le meilleur du monde, ne pourra jamais l’égaler ni s’en rapprocher. Cette espérance procure une grande joie ! C’est comme cela que l’on approche du bonheur.

Entretien réalisé par Antoine BORDIER, photos ACDH

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