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L'Eglise : Vie de l'Eglise

Anne-Gabrielle Caron et Carlo Acutis : tous saints

Anne-Gabrielle Caron et Carlo Acutis : tous saints

Article d’Antoine Bordier :

Anne-Gabrielle Caron a été déclarée par Mgr Dominique Rey, évêque de Fréjus-Toulon, « servante de Dieu », le 12 septembre 2020. Un mois après, le 12 octobre, la première Messe en l’honneur du bienheureux Carlo Acutis était célébrée à Assise, par Mgr Domenico Sorrentino, archevêque du lieu.  Faut-il y voir un signe des temps pour notre monde en crise, à l’heure du Covid-19 et au moment où l’Eglise fête la Toussaint ? Eclairage sur deux enfants qui ne se connaissaient pas et qui pourtant ont de nombreux points communs.

Ce samedi 12 septembre 2020, dans la paroisse Saint-François de Paule, à Toulon, où avait l’habitude de se rendre Anne-Gabrielle et sa maman, Marie-Dauphine, Mgr Dominique Rey ouvre officiellement le procès de béatification d’Anne-Gabrielle. Au cours de la cérémonie, il la déclare « servante de Dieu ». Marie-Dauphine et son mari, Alexandre, l’ont accompagnée jusqu’à son dernier souffle. « Elle est partie à 23h50, le 23 juillet 2010, dans sa petite chambre de La Timone, à Marseille. Avec mon mari, nous étions juste à côté. Elle avait 8 ans. Elle est partie frappée par la tumeur d’Ewing, un cancer osseux métastatique », raconte-t-elle. Plus loin, en Italie, ce samedi 10 octobre 2020, dans la Basilique Saint-François d’Assise, le cardinal Agostino Vallini, légat pontifical et représentant du Pape François, célèbre la cérémonie officielle de béatification du jeune Carlo Acutis, qui est mort à l’âge de 15 ans, foudroyé en 6 jours par une leucémie. C’était en 2006. Anne-Gabrielle avait 4 ans.

L’enfance spirituelle, premier point commun

Dans la Basilique, Mgr Domenico Sorrentino s’avance et demande au cardinal d’accueillir le vénérable serviteur de Dieu Carlo Acutis comme bienheureux. Le cardinal acquiesce en lisant la lettre du Pape, datée du 10 septembre 2020. Dans sa lettre, le Pape souligne « l’enthousiasme de la jeunesse, la culture de l’amitié avec le Seigneur Jésus, de Carlo Acutis, qui mettait l’Eucharistie, et, le témoignage par la charité, au centre de sa propre vie ». Qui sait ? Dans quelques années, le Pape prononcerait, peut-être, cette même phrase en changeant quelques mots. Anne-Gabrielle et Carlo ont ce point commun de l’enfance spirituelle, qui s’exprime par une pureté de vie, par une innocence, par une vie de foi et de prières intenses, par un regard profond, un sourire généreux. Ils auraient, certainement, été les meilleurs amis du monde. Pour bien comprendre ce qu’est l’enfance spirituelle, il faut se pencher sur la vie des saints. Qu’ils soient laïcs, comme Pier Giorgio Frassati, Maria Goretti, Francisco Marto, ou Anne de Guigné. Qu’ils soient pères ou mères de famille, comme Sergio Bernardini, comme les époux Martin, ou comme Gianna Beretta Molla. Qu’ils soient religieux, ou religieuses, ou prêtres, comme Padre Pio, André Bessette, ou comme sœur Faustine. Qu’ils soient martyrs, comme Marcel Callo. Qu’ils soient Pape, comme Jean-Paul II. Les saints du XXè et du XXIè siècle fleurissent l’Eglise pour éclairer la vie des baptisés.

La petite Thérèse, Jean le disciple, et François le pauvre

Anne-Gabrielle a découvert très tôt, grâce à sa maman, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face. De son côté, Carlo a marché sur les pas de saint François d’Assise. Les mots qui reviennent le plus chez ces deux grands saints sont : l’abandon, l’amour, la confiance, la fraternité, l’offrande, le pardon et le sacrifice. Marie-Dauphine nous rappelle que l’enfance spirituelle, « c’est l’abandon à Dieu ». Un jour, Anne-Gabrielle dit à sa maman (avant que sa maladie ne se déclenche) : « Moi, je veux être une grande sainte, comme sainte Thérèse ». Carlo, de son côté, aimait saint Jean. Comme en écho à Anne-Gabrielle, il disait : « Et moi, je veux suivre l’exemple du disciple Jean, le disciple bien aimé. Chacun de nous peut devenir un disciple bien-aimé de Jésus, comme Jean l’a été. » Il était, aussi, tombé amoureux d’Assise, et du « poverello », de saint François. Sa maman, Antonia Salzano Acutis, se souvient l’avoir entendu dire, alors qu’il rentrait et qu’il montait dans sa chambre, au dernier étage de leur maison d’Assise : « je veux être comme saint François ». Un jour, raconte sa maman, « il a donné ses chaussures à un pauvre. Et, plus tard il a refusé que je lui achète une nouvelle paire. »

Lourdes et Fatima

Il faut, aussi, regarder du côté de Lourdes et de Fatima, pour bien apprécier leurs points communs. A Lourdes, Anne-Gabrielle s’était rendue, en famille. A Fatima, Carlo s’y rendra plusieurs fois. Deux sanctuaires mariaux où la Vierge Marie est apparue, en 1858 pour le premier, et, en 1917 pour le second. A Lourdes, Marie apparaît à une enfant, Bernadette, âgée de 12 ans. A Fatima, la Vierge apparaît juste avant le basculement de la Russie vers le bolchévisme. Carlo était tombé amoureux de ce sanctuaire, et, surtout de l’histoire des trois voyants, Jacinta (7 ans), Francisco (9 ans) et Lucia (10 ans). Anne-Gabrielle et Carlo sont des amoureux de la Vierge Marie. Ils prient quasiment tous les jours le chapelet. Ils aiment Marie comme leur maman. Ils n’ont pas le même âge, mais vivent à la même époque : celle du 3è millénaire qui voit se développer les nouvelles technologies de l’information et de la communication à une vitesse fulgurante. Ils vivent aussi l’époque de la déchristianisation d’une partie de l’Europe. Epoque où il est rare de rencontrer des enfants de cet âge qui vont à la Messe tous les jours, aiment autant l’eucharistie, le sacrement de pénitence et le chapelet.

« Je vis déjà mon purgatoire »

Les deux mamans ont conscience de ces grâces qui inondent leurs enfants bien avant la maladie. Marie-Dauphine ne s’en cache pas :

« On est des privilégiés du Bon Dieu. Notre famille, Anne-Gabrielle est le fruit d’une génération qui a une vie intérieure très forte. »

Pour Antonia et sa famille, c’est différent. Même si les générations précédentes étaient catholiques, et, très engagées, elle et son mari sont de leur « époque ». Elle ne s’en cache pas :

« quand j’étais jeune fille, je ne pratiquais plus. J’ai commencé mon parcours vers 1994. Carlo est né en 1991. Il m’a inspiré. Normalement, c’est la famille, ce sont les parents qui transmettent la foi. Carlo, avec toutes ses questions, avec sa vie de prières, m’a transmis la foi. Il a aidé, aussi, beaucoup de personnes, beaucoup de jeunes, des prêtres et des séminaristes à cheminer, et, à pratiquer ».

La maladie de Carlo est arrivée, soudaine. Antonia raconte :

« nous pensions qu’il avait une simple otite. Puis, cela s’est aggravé. Nous étions début octobre 2006. Et, le 8 nous l’emmenons à la clinique. Là, les médecins nous disent que Carlo est atteint d’une leucémie. C’était une leucémie aiguë. Nous étions bouleversés. Il est mort dans la matinée du 12 octobre, vers 7h00. »

L’une de ses dernières phrases :

« Papa, maman, je vis déjà mon purgatoire, je veux aller au Ciel ».

Une agonie christique

3 ans plus tard, en 2009, Anne-Gabrielle entre à son tour sur le chemin de la douleur, de la maladie et de la souffrance. La tumeur d’Ewing qui vit en elle depuis quelques mois a fait des ravages, comme le raconte Marie-Dauphine, qui a longtemps culpabilisé, avec son mari, de ne pas avoir décelé au plus tôt son cancer des os. « Oui, je m’en suis voulu, car nous aurions pu peut-être la guérir. Les médecins nous ont dit : ‶ c’est le propre de cette tumeur d’être indétectable au départ ″. Anne-Gabrielle est rentrée à l’hôpital de La Timone de Marseille, où ils traitent les cas graves. De chimio en chimio, son calvaire a duré 18 mois. Et, son agonie plusieurs heures. Nous l’avons accompagnée jusqu’à la fin. Nous étions-là quand elle est partie, à 23h50, le 23 juillet 2010. » Les dernières phrases d’Anne-Gabrielle sont teintées d’héroïsme, ou plutôt d’une maturité hors-du commun, comme si son « agonie » l’avait propulsée, bien avant son départ, vers le Ciel. Sa maman s’en souvient encore, 10 ans après. Elles sont marquées au fer-rouge dans son cœur :

« Maman, vous n’imaginez pas à quel point je vous aime. Je ferai tout pour vous faire plaisir… »

« Mon autoroute vers le Ciel »

Tous les deux ont reçu les derniers sacrements avant leur départ vers le Ciel. Et, ce qui fait leur communion, c’est justement leur vie de famille tournée vers les sacrements. Au cœur même de leur famille, la sainteté est présente. Marie-Dauphine et Alexandre, quand ils se sont mariés le 7 octobre 2000 ont voulu « fonder un foyer chrétien pour que notre famille soit ancrée en Dieu ». Anne-Gabrielle a fait sa Première Communion, juste après une aplasie (effet secondaire de la chimiothérapie où la mort peut intervenir dans les heures qui suivent) en 2009. Elle avait fait aussi sa Confirmation. Sur les photos publiées dans le livre biographique Là où meurt l’espoir, brille l’Espérance, qu’a écrit sa maman, le sourire et la profondeur du regard d’Anne-Gabrielle, qui porte un joli foulard sur la tête, interpelle. Que veut-il dire ce regard ? « Tu as du prix à mes yeux » ? Et, ce sourire ? « J’ai confiance en Toi » ? Chez Carlo, son regard est, aussi, profond. Et, son sourire est angélique. Il ressemble à l’ange au sourire de la cathédrale de Reims. Sa vie quotidienne sacramentelle, avec la prière du chapelet, l’entraîne vers le Ciel. Il dira : « L’Eucharistie est mon autoroute vers le Ciel ».

Tous saints ?

Le procédure (lire notre encadré) de béatification d’Anne-Gabrielle est en-cours. Ses parents, tout le cercle familial et amical sont de plus en plus tenu au secret. Pascal Barthélemy a accepté d’être le postulateur diocésain. Son rôle consiste, en toute indépendance, à enquêter sur sa sainteté, c’est-à-dire sur « la pratique héroïque des vertus chrétiennes ». Il doit, aussi, identifier toutes les personnes témoins de cette sainteté, des grâces reçues, des guérisons et miracles obtenus par son intercession. « Les témoins ne doivent pas échanger entre-eux, ni se contacter », explique Marie-Dauphine, qui va de plus en plus s’imposer le silence. Comme a commencé à le faire, le père Benoît Arnauld, oncle de la petite, qui selon sa maman, « était pour Anne-Gabrielle un exemple à suivre ». Il était présent le 23 juillet, et, lui a prodigué les derniers sacrements. Le procès de béatification de Carlo s’est, quant à lui, conclu le 10 octobre dernier. S’ouvre celui de sa canonisation. Le 10 octobre, alors que la nuit est tombée sur Assise, Antonia sort de la Basilique et parle de la canonisation prochaine de son fils :

« il y a eu tellement de miracles depuis la mort de Carlo, comme cette femme qui a été guérie d’un cancer du sein. Une autre femme, qui ne pouvait pas avoir d’enfant, a prié Carlo. Et, un mois après, à 44 ans, elle était enceinte. Il fait beaucoup de miracles. On parle de plus en plus de sa canonisation. Je l’attends avec impatience. »

Impatients, Anne-Gabrielle et Carlo l’étaient, également. « Ils voudraient, certainement, que tous nous soyons saints », confie Mgr Rey.

La procédure de béatification et de canonisation

Il s’agit en fait d’une seule et même procédure, avec plusieurs étapes. Il y a, d’abord, une étape locale ou diocésaine qui peut durer plusieurs années. Cette étape consiste à nommer un acteur (dans le cas d’Anne-Gabrielle, il s’agit du curé de la paroisse Saint-François de Paule, l’abbé Fabrice Loiseau, lire l’interview), puis, un postulateur, une commission historique, un juge délégué, et, un promoteur de justice. Le travail consiste à réunir tous les éléments, faits, matériels et témoignages qui attestent de « la pratique héroïque des vertus chrétiennes ». Cela peut durer plusieurs années. Une fois clôturé et validé, le dossier diocésain est envoyé à la Congrégation pour les Causes des Saints, à Rome. Toute la procédure et tous les documents du diocèse sont alors audités, et, validés ou rejetés. Ensuite, la Congrégation approfondit, théologiquement parlant, les travaux sur la sainteté du candidat. Enfin, le dossier est présenté au Pape. Celui-ci pourra, dans un premier temps déclarer Anne-Gabrielle « vénérable ». La dernière étape, si un ou des miracles sont attestés et reconnus valides, le Pape proclamera Anne-Gabrielle bienheureuse lors d’une cérémonie officielle, comme celle de Carlo. Pour ce-dernier, un second miracle est nécessaire pour qu’il soit déclaré saint.

3 questions à Monsieur l’abbé Fabrice Loiseau

Comment avez-vous connu Anne-Gabrielle ?

Je ne me souviens pas très bien des dates, mais ce devait être en 2004. La famille d’Anne-Gabrielle était très assidue à la vie de la paroisse. Elle devait avoir 6 ans quand je l’ai connue. Elle allait au catéchisme. Anne-Gabrielle m’a beaucoup marqué. C’est l’une des enfants les plus rayonnantes que je connaisse. J’ai conscience que toute la communauté a bénéficié d’une grâce particulière : celle du rayonnement de sa foi dans la grande épreuve de sa maladie.

Qu’est-ce qui vous a marqué exactement, et, pourquoi serait-elle une sainte ?

Plusieurs choses, plusieurs faits m’ont marqué, et, m’ont éclairé sur sa sainteté. Même si je suis prudent. Tout d’abord, sa manière d’être, de vous regarder, d’avoir tout le temps le sourire. Je suis persuadé qu’elle a voulu prendre la souffrance pour l’offrir à Jésus. Lors de sa Première Communion, elle a été très forte, très mature. Elle a surpassé ses douleurs pour être présente. Sa dévotion mariale m’a aussi marqué. De plus, elle avait voulu s’engager dans le scoutisme. Le 10 juillet 2010, je suis allé la voir chez ses parents, avec Mgr Rey. Encore une fois, elle était très rayonnante. Ce rayonnement était surnaturel. C’est pour cela que l’on pourrait parler de sa sainteté.

Vous parlez de son rayonnement, est-ce vraiment suffisant pour devenir sainte ?

Ce n’est pas à moi de le dire. Mais regardez, déjà, des témoignages affluent auprès de la famille. C’est sans doute l’effet des réseaux sociaux. Mais les gens, le monde, nous-mêmes sommes en recherche de cet esprit d’enfance qui consiste à être émerveillé devant le beau, à s’extasier devant la tendresse, le regard, le sourire d’Anne-Gabrielle. Que ce soit Carlo Acutis qui vient d’être béatifié ou Anne-Gabrielle qui le serait, nous avons besoin de ces étoiles qui nous invitent à regarder vers le Ciel. Ces jeunes nous apprennent à avoir une véritable espérance. Ils nous parlent de la vie éternelle. Nous avons besoin de témoins, et, de retrouver cet esprit d’enfance. On le voit bien, notre monde, nous en manquons cruellement. Notre monde est devenu tellement matérialiste. Face au Covid-19, il est devenu hystérique. Il doit retrouver le chemin de Dieu, celui de la sainteté. Et, Anne-Gabrielle et Carlo peuvent nous aider.

Texte réalisé par Antoine BORDIER

Photos Droits Réservés aux auteurs

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