Partager cet article

Franc-maçonnerie

Alain Juppé plaide devant les franc-maçons pour un code de la laïcité

Capture d’écran 2016-10-30 à 19.09.01Le 24 octobre, Alain Juppé a planché sur le thème «Comment la République peut entretenir et développer la citoyenneté ?» face aux franc-maçons du Grand Orient de France (GODF), une Tenue Blanche Fermée (réservée aux initiés). Il a évoqué son projet de création d’un Code de la laïcité

Dans sa conclusion, le Grand Maître Christophe Habas a déclaré : 

«La République souffre quand la Société est fragmentée, ce qui rend l’électorat sensible aux sirènes boulangistes de l’extrême droite.»

Le haut dignitaire a exprimé sa satisfaction sur la proposition de création d’un Code de la Laïcité… avant d’ajouter que les politiques doivent mettre en oeuvre leurs engagements pour recréer un lien de confiance avec les citoyens.

A quand la séparation de la République et de la franc-maçonnerie ?

Dans la revue médicale Egora, le chef du service en neuroradiologie à l'hôpital des Quinze-Vingt, à Paris, le Dr Christophe Habbas, Grand Maître du Grand Orient de France, est interrogé. Il rappelle que le GODF milite pour l'individualisme, ce qui justifie l'avortement, l'euthanasie, l'adoption par les personnes homosexuelles. Il indique aussi que la stratégie du GODF est d'avancer à petites pas vers ces objectifs :

De grands débats ont traversé la société française ces derniers temps, comme la thématique du genre, la Procréation médicalement assistée (PMA) ou la gestation pour autrui (GPA), sujet qui a encore mis récemment des milliers de personnes dans la rue. Comment vous positionnez-vous par rapport à ces débats et quel rôle éventuel y tenez-vous ?

Je pense que sur 52 000 membres du Grand Orient de France, frères et soeurs, il y a beaucoup d'opinions parfois divergentes sur ces thèmes. Nous essayons d'aborder ces problèmes de manière sereine, distanciée, critique, en offrant un espace de dialogue et une éthique de l'écoute à travers les valeurs humanistes qui sont les nôtres. Je pense à la liberté, l'autonomie de l'individu, la dignité humaine, que nous essayons de cadrer à travers ces grands débats. Mariage pour tous, thématiques du genre, PMA ou GPA ? Nous abordons ces sujets en loge. Toutefois je ne pourrais pas dire qu'il y a une position officielle et majoritaire du Grand Orient de France. Il est plus important pour nous d'instituer des espaces de dialogues critiques en dehors de l'embrasement médiatique et irrationnel de la société politique, comme nous avons pu le voir récemment avec la mobilisation contre le mariage pour tous.

Néanmoins, quel est l'état de vos réflexions ?

Nous voudrions à la fois permettre aux couples qui le souhaitent, hétérosexuels, homosexuels, de pouvoir satisfaire au désir d'enfants, assurer la reconnaissance et la filiation des enfants et en même temps, il faut prendre garde à la marchandisation du corps. Ce qui compte pour nous, c'est à la fois les aspirations individualistes, et la préservation de la dignité humaine pour éviter que tout soit transformé par l'argent, la marchandisation. Nous allons essayer de mener ces réflexions dans ce périmètre-là. Ensuite, à chacun de se déterminer. Pour le questionnement sur le genre, il s'agit de faire preuvre de pédagogie et sortir des discours caricaturaux que l'on a pu entendre, resituer dans l'histoire de la pensée, des mouvements féministes, militants lesbiens, l'apparition de cette problématique et montrer sa relativité en regard de l'histoire. La société n'est pas construite de la même manière si l'on est dans la Rome antique ou au 19 ou 20 ème siècle et il faut arriver à se réapproprier des questions qui semblent d'ordre naturel, alors qu'elles résultent de faits sociaux, politiques et historiques. Le but du Grand Orient de France, c'est d'offrir une école progressiste pour donner le temps nécessaire à la maturation de sujets compliqués, qui sont confus dans la société. 

Quelle opinion défendez-vous sur les questions de fin de vie et d'euthanasie ? 

Il y a une commission nationale de bioéthique qui a travaillé elle-même et en colligeant les travaux des loges. Elle essaie de défendre l'idée d'une fin de vie dans la dignité pour que la personne concernée, du moment qu'elle est consciente et selon les critères de réitération des demandes, puisse être écoutée dans sa volonté, dans des cas extrêmes, de mettre fin à sa vie. 

Selon vous la loi Leonetti n'est qu'une étape ? 

Oui c'est une étape. Ce sont des débats importants. On peut concevoir qu'il y ait des oppositions, des avis contradictoires et qu'il faille avancer progressivement, à travers ces débats citoyens. Aménager la loi pour permettre à certains de s'éteindre dans la dignité, requiert une maturation de la pensée et du temps. Cela requiert aussi de la fermeté dans la défense de ces principes. Le Grand Orient de France défendra toujours cette primauté de la liberté individuelle. 

[…] Dans l'histoire, il y a eu une grande collusion entre le pouvoir politique et la maçonnerie. En Angleterre c'est toujours le cas. En France, le premier Grand Maître en 1738, était un pair de France. Pendant un temps, les Grands Maîtres vont être des aristocrates en relation avec la couronne. Puis, ce sera avec la noblesse du Premier et du Deuxième Empire. Il y a donc là une collusion importante. Sous l'empire de Napoléon III, les loges vont devenir des espaces de liberté et de dialogue. Il va être possible de parler librement de politique. Cela va drainer des mouvements républicains, libéraux, socialistes, saint simoniens? La maçonnerie va donc s'impliquer dans la vie politique pour qu'il y ait énormément d'élus sous la Troisième République. Il va y avoir une intrication entre les deux très forte. Les idées sur la laïcité, l'enseignement libre, l'éducation populaire, la loi d'association, même certains mouvements féministes de l'époque vont se développer et il va y avoir des combats communs. Mais cela va décliner à partir de la fin de la Troisième République. Les maçons vont toutefois intervenir sur des réflexions relatives à l'interdiction de la peine de mort, l'IVG.

[…] Dans le climat ambiant de montée des extrêmes, d'exacerbation raciste et d'une certaine violence, avez-vous envie de vous faire entendre la parole de la franc-maçonnerie ?

Oui, certainement. La campagne présidentielle, puis législative sera l'occasion pour nous, au travers de colloques publics, de visites ministérielles, par la mobilisation des loges autour des chantiers de la République, de mobiliser les efforts et les réflexions autour de plusieurs thèmes : l'économie, l'Europe sociale et politique, les flux migratoires, le transhumanisme avec l'apport des nanotechnologies dans la redéfinition de l'humanisme, l'avènement de l'anthropocène dans le domaine de l'écologie. Mais aussi la place des intellectuels et de l'esprit critique dans le mouvement global de dépoliltisation de notre société, qui donne la parole à des experts pour gérer le fait social et le fait économique, étant entendu que le politique a été éclipsé par l'économique, et la diversité économique, par l'idéologie ultra libéral. Nous allons essayer de traiter cela. Nous voudrions montrer que ces sujets sont interdépendants, et que ce qui se joue, c'est une vision globale de l'humanité, qui va dans le sens d'une deshumanisation et d'un anti humanisme, qui est un accomplissement du libéralisme tel qu'il se développe aujourd'hui. D'où le développement d'une forme de radicalité.

[…] A quoi bon le suffrage universel, si c'est pour voter extrême droite? Il y a tout un travail à mener, notre société se dépolitise en profondeur, car le politique ne veut plus changer la réalité, mais s'en accommoder en fonction de lois supérieures quasiment religieuses, dictées par l'économie. Dans cette dépolitisation globale, les seuls pratiquement qui semblent donner une vision, c'est l'extrême droite. La base de l'extrême droite est en train de changer ; elle récupère des classes populaires qui se sentent incomprises et abandonnées par les autres. Le discours de Marine Le Pen n'est plus le discours poujadiste et ultra libéral du père, mais il est au contraire boulangiste, il remet la Nation, l'Etat au centre. Il y a une reconfiguration dangereuse de l'extrême droite face à une dépolitisation de la société. Dans ce contexte, le Grand Orient veut s'emparer des espaces de dialogue, de démocratie populaire dans ces colloques publics, à visage découvert."

Partager cet article

Nous utilisons des cookies pour vous offrir la meilleure expérience en ligne. En acceptant, vous acceptez l'utilisation de cookies conformément à notre politique de confidentialité des cookies.

Paramètres de confidentialité sauvegardés !
Paramètres de confidentialité

Lorsque vous visitez un site Web, il peut stocker ou récupérer des informations sur votre navigateur, principalement sous la forme de cookies. Contrôlez vos services de cookies personnels ici.


Le Salon Beige a choisi de n'afficher uniquement de la publicité à des sites partenaires !

Refuser tous les services
Accepter tous les services