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A peine nommé, le général Lecointre au centre d’une cabale

Unknown-19Dans les colonnes de l'Humanité, Jacques Morel, auteur du livre La France au coeur du génocide des Tutsi, a affirmé que François Lecointre avait «défend[u] les auteurs du génocide rwandais». En 1994, l'actuel chef d'état-major était en poste au Rwanda lors de l'opération Turquoise. Il était capitaine d'infanterie de marine, chargé du secteur de la commune de Gisovu dans le cadre de l'opération militaire française Turquoise, déclenchée en 1994 au Rwanda pour mettre fin aux massacres. Jacques Morel a étayé ses allégations en affirmant, entre autres, que François Lecointre avait «collaboré» avec Alfred Musema, le directeur d'une usine à thé qui avait rendu possible l'hébergement dans celle-ci de soldats de l'armée française, en juillet 1994. Impliqué dans le génocide des Tutsis, Alfred Musema a été condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité le 27 janvier 2000 par le Tribunal pénal international pour le Rwanda.

Le colonel Jacques Hogard, grand connaisseur du sujet, estime que cette attaque est injuste et indigne.

Pourtant c'est une autre période de sa carrière qui pose quelques questions. Selon Slobodan Despot :

"[Sa] réputation se fonde essentiellement sur un fait d’armes du temps où il était capitaine chez les Casques bleus en Bosnie: la reprise du pont de Vrbanja à Sarajevo aux milices serbes. Les articles et vidéos relatant cette prouesse véhiculent souvent une image très déformée de l’événement et de son contexte. Ainsi ce bref documentaire sur YouTube. On y lit (en anglais) un résumé des faits pour le moins dramatique. En s’emparant du pont en question, les Serbes auraient eu l’«occasion de pénétrer dans la ville et de tuer ses habitants». Les soldats français auraient donc décidé de les en déloger «afin de sauver les civils» (0:24). Le général Hervé Gobilliard, qui autorisa l’attaque, la motive lui aussi par le fait que «même si théoriquement nous étions en interposition, il y avait dans la ville un certain nombre de dizaines de milliers de personnes qui auraient été trucidées par les Serbes» (7:21).

Or ce même incident a été abordé à La Haye dans le cadre du procès Mladić. Lors de l'audience du TPI du 22 octobre 2013, l'officier français témoignant anonymement sous le nom de code RM-401 déclare précisément ceci:

«Alors, notre déploiement — notre déploiement sur ce poste-là était vraiment un point-clé de Sarajevo, comme vous le dites. Et nous avions pour mission, eh bien, tout d'abord de nous interposer entre les Bosniaques et puis les Serbes et d'empêcher les Serbes de s'emparer, donc, des symboles de l'autorité, le parlement et la présidence, donc, en traversant la Miljacka et en traversant le pont de Vrbanja.»

Il n'est nulle part fait mention, dans ce témoignage sous serment, du danger de massacre de civils invoqué par le général Gobilliard et repris dans le générique de la vidéo. En revanche, on peut légitimement déduire des propos de ce témoin français que la mission concrète de ces soldats était de protéger de la défaite le pouvoir en place à Sarajevo, dirigé par le fondamentaliste islamiste Izetbegović.

On voit aussi dans ce document le capitaine Lecointre confesser longuement ses états d’âme au moment de l’assaut. Au moment de l’attaque, dit-il, «on va se venger de cette peur qu’on nous a infligée» (4:33), puis il réaffirme «l’envie de venger» ses hommes tombés au combat (5:22). La vengeance comme mobile des actions militaires est explicitement condamnée par le droit de la guerre et les conventions de Genève. A fortiori quand on se trouve en «mission de paix». De telles déclarations venant d’un officier serbe, musulman ou croate présent sur le même théâtre d’opérations eussent probablement suffi au TPI de La Haye pour ouvrir une enquête sur lui. Elles n’ont pas empêché le capitaine Lecointre d’accéder au sommet de la hiérarchie militaire française."

Selon Jean-Dominique Merchet

"François Lecointre s’est toutefois éloigné assez vite des opérations (Rwanda, Bosnie, Kosovo, Côte d’Ivoire, quand même) ; la seule qu’il a commandé comme général a été la mission européenne de formation de l’armée malienne (EUTM-Mali). Terrien et même « marsouin » pur sucre, ce fils d’officier de marine a peu d’expérience dans le domaine interarmées. Ses précédents postes de responsabilité l'ont été à l’état-major de l’armée de terre, où il a notamment été l'un ces concepteurs du nouveau modèle « Au contact ». En août 2016, il est choisi comme chef du cabinet militaire du Premier ministre, où il voit se succéder en moins d’un an Manuel Valls, Bernard Cazeneuve et Edouard Philippe. Sa nomination au poste de chef d’état-major était envisagée, au mininum depuis le mois de mai par l'entourage d’Emmanuel Macron, mais les événements récents ont accéléré les choses. Macron voulait choisir un jeune général, ayant de l'allure, en bousculant la pyramide des âges. Alors que les prétendants sont tous des « cinq étoiles » (généraux d’armée), François Lecointre n’a eu sa quatrième étoile que récemment. Le coup de pouce que la démission de Pierre de Villiers donne à sa carrière avec la bienveillance de l’Élysée, ne manquera pas de susciter quelques rancœurs et jalousies. Rude tâche, disions-nous."

Pour revenir sur le sujet d'actualité, demander à des autorités militaires de ne pas s'exprimer sur la pertinence des budgets est problématique à plusieurs égards selon DSI :

"D'une part, parce que c'est dans leurs attributions légales. D'autre part, parce que la loi ne fait que refléter le bon sens stratégique. La classification d'Hervé Coutau-Bégarie reste pertinente. Pour lui, la stratégie militaire générale repose sur 3 (4) piliers : la stratégie déclaratoire (grosso modo, l'affichage des intentions) ; la stratégie opérationnelle (la préparation et la mise en action) ; le "4ème" pilier est la stratégie organique : l'organisation des forces, considérée par lui comme une "dimension avortée". Il en manque un évidemment : la stratégie des moyens, qui a des dimensions génétique (conception), industrielle (BITD) logistique. "La" stratégie des moyens recouvre naturellement le budget. Dans l'esprit d'HCB, assez logiquement, ces quatre piliers sont idéaux-typiques. En réalités, ils sont combinent intimement : pas d'argent, pas d'exercices ou d'opex, pas de matériel, pas d'organisation et d'infras… En bref, on ne peut dissocier capacités opérationnelles et budgétaires, sous peine d'incohérence flagrante ; tout est dans tout. De même on ne peut contrôler efficacement un budget et l'optimiser qu'à l'aune des capacités effectivement disponibles. Après l'analyse, notre avis segmenter budgets et capacités est une erreur, d'autant plus que le budget est confié à une ministre peu au fait des questions militaires ce qui va accroître les incohérences existant déjà aujourd'hui et risque de soumettre un peu plus la stratégie opérationnelle à la stratégie des moyens. In fine, encore plus d'incohérences pour moins d'efficacité. Une fois de plus, il nous parait urgent de ne plus considérer le militaire comme un simple exécutant et le rétablir comme conseiller. Pour en conclure: plus de segmentation revient à moins de synergie & plus d'entropie et de conflits potentiels… qui ne manquent déjà pas."

Qu'en pense le général Lecointre ?

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