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France : Politique en France

A l’image de la guerre de 14-18, la fête de Noël donnait encore à chacun l’occasion de sortir de sa tranchée

A l’image de la guerre de 14-18, la fête de Noël donnait encore à chacun l’occasion de sortir de sa tranchée

Dans Valeurs Actuelles, le Père Danziec souffle au Président de la République les vœux de Noël qu’il aurait pu souhaiter.

Monsieur le Président de la République,

Prêtre trentenaire en ministère en province, je me permets de vous adresser cette lettre dans le sillage de la fête Nativité de Jésus-Christ. A travers ces lignes, je vous prie tout d’abord de ne voir ni sermon ni leçon de morale mais bien plutôt tout le zèle d’un homme de Dieu au service de son pays et des personnes qui y résident. Au contact quotidien des âmes, j’en connais les palpitations secrètes, les parts d’ombre comme les zones de lumière. C’est à partir d’elles que je voudrais vous partager ces quelques considérations sur Noël.

Vous, le féru de littérature, je ne résiste pas à la tentation de vous partager cet extrait d’Antoine de Saint-Exupéry dans Citadelle : « Et je ne connais rien au monde qui ne soit d’abord cérémonial. Car tu n’as rien à attendre d’une cathédrale sans architecture, d’une année sans fêtes, d’un visage sans proportions, d’une armée sans règlements, ni d’une patrie sans coutumes. » Monsieur le Président, de geste contemporain dans la construction de la future flèche de Notre-Dame de Paris, les français n’y semblent pas spécialement attachés. Mais de fidélité aux coutumes, à n’en pas douter, et en dépit d’une laïcité souvent crispée, une large majorité s’y retrouve.

Souhaiter un joyeux et un merveilleux Noël à chacun, aurait été l’occasion parfaite pour vous d’adresser un message fort à l’ensemble des français. Leur rappeler qu’à travers l’échange de cadeaux, il y a plus de joie à donner qu’à recevoir. Que, dans nos sociétés marchandes, l’avoir ne doit pas constituer la seule variable d’estimation de notre prochain. Leur signifier, en reprenant les vers du poète, la beauté du don de la vie. « Lorsque l’enfant paraît, le cercle de famille / Applaudit à grands cris. / Son doux regard qui brille / Fait briller tous les yeux… ». Leur redire combien Noël, symbole de l’innocence, est aussi la fête de la famille. Que cette dernière a besoin de paix pour la bonne éducation des enfants qui seront les hommes de demain. Que trop d’images dégradantes ou de violence atteignent leurs yeux, et d’enjoindre chacun à prendre ses responsabilités quant à l’usage des écrans chez les plus jeunes.

Monsieur le Président, vous comme moi nous le savons. Dans la conduite d’une nation comme dans celle d’une paroisse, assurément, l’unité a du bon. Elle caractérise un ensemble homogène, elle permet que les parties d’un tout se trouvent en harmonie. L’unité symbolise l’équilibre, et renvoie à une idée certaine de paix. Et même de perfection ! En effet, c’est en s’attachant au bien, et non sans grands efforts parfois, que l’homme parvient à réaliser son unité intérieure. L’unité est garante de la vérité et de la bonté des choses. En tant que prêtre, et à titre d’exemples, je pourrais évoquer l’unité des deux testaments, ou celle de l’Eglise et de son Christ. Mais pour montrer les vertus de l’unité, il est tout à fait permis aussi de parler de l’unité de l’âme et du corps ou celle du cœur et l’esprit, des députés avec le chef du gouvernement, des joueurs d’une équipe avec leur entraîneur… En somme, brouiller l’unité revient à obtenir le trouble et l’anarchie. Et cela se vérifie, hélas. Supprimer l’unité de langues, de mœurs et de coutumes dans une société ? L’on ne tarde pas à mettre en péril la quiétude des relations civiles. Supprimer l’unité d’un père et d’une mère au sein d’une famille ? L’équilibre affectif et psychologique de l’enfant qu’ils ont conçu se trouve menacé. Supprimer l’unité de l’enseignement – de ce qu’on appelait autrefois « les humanités » – et l’on récolte sinon l’inélégance du verbe ou la barbarie des manières, au moins l’empire de la médiocrité. Supprimer l’unité des corps intermédiaires, c’est la Bérézina. L’unité de l’atome, le chaos de la fission nucléaire.

Monsieur le Président, l’unité, comme le vrai et le bien, n’est pas seulement nécessaire au cœur de l’homme. Elle lui est primordiale. Cela est bien différent. Le novice dans son cloître, l’institutrice auprès de ses élèves, l’entrepreneur dans ses défis, le chef d’Etat dans ses responsabilités : tous ont besoin d’être unanimis – d’une seule âme – dans leurs pensées et leurs actions. Sans cette unité, nous nous divisons, nous nous éparpillons ; et hélas, surtout, nous nous fatiguons. Or face à ces écueils, le repos de Noël présente l’avantage de former un trait d’union entre les cœurs, quels que soient leurs horizons, et de les recentrer sur l’essentiel.

Vos vœux de Noël vous auraient en effet permis de préciser le fondement civilisationnel de cette fête à nulle autre pareille. D’inviter tous et chacun à ne pas prendre les moyens pour la fin. Rappeler qu’à trop fixer son regard sur les accidents, on en vient à risquer d’oublier la réalité qu’ils signifient. Veiller à ce que des Noël qui ne sont certainement pas sans plaisir, en deviennent cependant des Noël sans âme. Réduire Noël à une seule parenthèse de consommation débridée, c’est se méprendre sur son sens originel. Bien évidemment une dinde aux marrons et de jolis paquets au pied du sapin sont agréables au palais et aux yeux. Mais ils sont appelés, nous le savons tous, à servir d’abord une réalité plus haute.

Qu’en est-il justement de fête de la Nativité ? Alors que l’on peut souffrir d’une indigestion de bûches de Noël ou devenir parfaitement odieux après avoir été pourri gâté, la naissance du Christ, Monsieur le Président, ne saurait nous décevoir jamais, en nous offrant Celui qui est tout-petit certes, mais qui est Tout surtout. Sans être un grand docteur, ni même croyant, toute personne un tant soit peu cultivée est capable de dire que Noël, c’est Jésus dans l’étable. La Foi fait ajouter à une quantité non négligeable de vos concitoyens (et peut-être même, secrètement, à vous-même) que cet enfant est Dieu. Qu’Il s’est fait chair d’une Vierge pour nous unir à Lui. Qu’Il est né pour nous unir au Ciel.

Sans mauvais jeu de mots Monsieur le Président, je crois bien que nous pouvons dire que Noël, c’est un peu l’union des droites volontés. Ce sont les petits et les grands, « les hommes qui ne sont rien » comme les progressistes qui croient savoir tout, les sans-grades et les philosophes, les bergers et les mages, qui peuvent s’unir dans un même sentiment d’émerveillement. Tous les hommes, pourvus qu’ils soient de bonne volonté, étaient invités, comme chaque 24 décembre à minuit, à se retrouver dans cette étable dans une même joie, devant une même famille, sous le feu d’une même étoile. A l’image de la guerre de 14-18, la fête de Noël donnait encore à chacun l’occasion de sortir de sa tranchée. Sous votre conduite, elle était en mesure d’offrir une parenthèse pacifiante en temps de crise. Un ferment d’unité pour notre pays archipellisé.

J’ai pour me consoler Monsieur le Président, que le 25 décembre prochain, vous aurez une nouvelle fois l’occasion de présenter des vœux de Noël à l’ensemble du pays. Lui souhaiter l’unité dans ses racines. L’unité dans son avenir. Puisse la farandole des santons unie autour de Marie, Joseph et l’Enfant-Jésus vous rappeler lors de Noël 2020 que l’union ne fait pas seulement la force. Mais qu’elle fonde toute destinée.

Avec l’assurance de mes prières à toutes vos intentions, je vous prie, Monsieur le Président, de recevoir mes vœux de joyeux et réconfortant Noël.

Père Danziec

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