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Emmanuel Macron est-il un bon chef quand il assène : ” Je suis votre chef ” ? Un chef n’a pas besoin de rappeler qu’il l’est

Emmanuel Macron est-il un bon chef quand il assène : ” Je suis votre chef ” ?  Un chef n’a pas besoin de rappeler qu’il l’est

Extraits d’un entretien donné par l’ancien chef d’état-major des armées Pierre de Villiers Dans Challenges :

Que vous inspire le mouvement des gilets jaunes ?

Il incarne d’abord le fossé géographique grandissant entre Paris et le reste du pays. Ce fossé n’est pas nouveau, il a toujours existé avec notre tradition jacobine, mais il réapparaît avec force. L’autre constat, que le président Macron lui-même a dressé lors de son interview sur le Charles de Gaulle, c’est que les dirigeants français n’ont pas encore réussi à réconcilier les Français avec la classe dirigeante. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle j’ai écrit ce livre : ce fossé entre le sommet et la base est en train de grandir, la méfiance vis-à-vis des dirigeants s’aggrave. Il faut absolument redéfinir le métier de chef. Après 43 ans de carrière dans l’armée, j’ai essayé de mettre mon expérience de praticien de l’autorité pour donner quelques conseils.

Le fait qu’il n’y ait pas de chef, pas de représentant des gilets jaunes avec qui discuter, est-il inquiétant ?

C’est le danger quand il n’y a plus de confiance : le doute s’instaure, le chef ne contrôle plus. Et là, par définition, c’est extrêmement dangereux. On le voit chez les gilets jaunes, ils ne veulent aucun encadrement.

L’absence de corps intermédiaires est préjudiciable ?

Bien sûr. Une des leçons qu’on doit tirer, c’est que la confiance se tisse par la subsidiarité, chacun à son niveau exerce ses responsabilités. C’est ce qui permet de tenir l’édifice. Il faut une organisation avec des relais, ce qu’on appelle des corps intermédiaires.

Pour reprendre le titre de votre livre, qu’est-ce qu’un chef ? Ou plutôt, qu’est-ce qu’un bon chef ?

C’est d’abord quelqu’un qui donne un cap, une vision de long terme. Depuis que je rencontre des entreprises, je suis frappé de voir à quel point le long terme a été perdu de vue au profit du court, voire du très court terme. Un chef doit donner le cap, et laisser le choix des moyens à ses équipes pour apporter les solutions. Beaucoup de chefs passent du temps sur des détails qui ne sont pas de leur niveau, c’est une erreur. Evidemment, le contexte actuel est difficile : il faut décider vite, sous pression, et la digitalisation et les process, par ailleurs indispensables, contribuent à créer des systèmes de pouvoir très centralisés. Mais il ne faut pas oublier que le principal critère de la performance, c’est d’avoir des hommes et des femmes heureux dans leurs métiers. Halte au “tout à l’égo”

Quelle est la finalité à rechercher pour un dirigeant ?

L’idéal, c’est que vos subordonnés connaissent tellement bien leur chef qu’il n’y a pas d’ordres à donner. C’est ce que j’appelle l'”obéissance d’amitié”, dans laquelle l’adhésion l’emporte sur la contrainte. Les équipes font confiance aux décisions de leur chef. Le chef ne va, lui, pas vérifier tout ce que font ses subordonnés. Un bon chef doit aussi être capable de créer une fusion dans les équipes, au-delà du “tout à l’égo” qui polluent les organisations. Dans les entreprises, beaucoup de réunions sont organisées pour gérer les problèmes dus à des gens qui ne veulent pas s’entendre. C’est très français, j’ai aussi vu cela dans les armées. Un chef doit arriver à faire de cette diversité un atout.

Quels sont vos modèles de dirigeants ?

Le militaire que je suis vous dira Lyautey, de Lattre, Leclerc. Le footballeur vous répondra Didier Deschamps : un vrai chef, qui n’a pas forcément pris les meilleurs joueurs, mais ceux qui constituent le meilleur groupe.

Emmanuel Macron est-il un bon chef quand il assène le 13 juillet, quelques jours après votre fameuse audition à l’Assemblée nationale : ” Je suis votre chef ” ?

Un chef n’a pas besoin de rappeler qu’il l’est. […]

Emmanuel Macron a évoqué le projet d’une “armée européenne”, repris quelques jours plus tard par Angela Merkel. Que vous inspire ce terme ?

C’est un mauvais terme, car il incite à la confusion. Si on parle d’une armée européenne unique, commandée par un état-major à Bruxelles, je peux vous garantir que le rêve va se transformer en cauchemar. Comment voulez-vous imaginer qu’on va aller au combat, mourir pour l’Union européenne ? On meurt pour sa patrie, pour sa nation, pour ses valeurs, pour sa culture, pour son chef, pas encore pour l’Europe, et en tout cas pas pour Bruxelles ! Moi, je suis concret : en Afghanistan, je commandais en 2007 des troupes de 15 pays différents. J’étais obligé de tenir compte de ce qu’on appelle les “caveats”, les limites imposées par les États à l’utilisation de leurs forces. Quand ils devaient monter au feu, c’est bien vers les autorités de leur pays d’origine que les soldats allaient. Il y a déjà l’OTAN, qui est une organisation intégrée, dont nous sommes membres, qui a une capacité de commandement. On ne va pas refaire exactement la même chose ! Il ne faut pas tuer la belle idée européenne en la transformant en cauchemar. […]

Une polémique s’est fait jour lors de l’annonce de votre collaboration avec le cabinet de conseil américain Boston Consulting Group. Que répondez-vous ?

J’ai trouvé ça ridicule. Je vais une journée par semaine au bureau de Paris du BCG. Je n’en suis pas salarié, mais senior advisor, pour conseiller, avec le BCG, les grands groupes français sur leur transformation en matière de ressources humaines. Les Américains n’ont pas besoin de moi pour savoir quoi que ce soit.

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1 commentaire

  1. Qu’est-ce qu’un chef ? on ne s’improvise pas chef au détour de magouilles électorales…
    Au-delà des qualités naturelles qui feront un bon chef, il y a des exigences bien cernées et présentés par Max Schiavon dans Le Livre qui va faire de vous un chef !
    Il y a aussi le livre de François Bert, Le temps des chefs est venu…
    Et d’autres livres à consulter avec profit, qui réfléchissent sur ce problème de l’autorité, Hervouet, Vuillermet, ou Cacqueray : https://www.livresenfamille.fr/livres/sciences-politiques/14488-francois-bert-le-temps-des-chefs-est-venu-changer-le-casting-de-la-politique.html

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