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L'Eglise : L'Eglise en France

Découvrir et approfondir la Sainte Ecriture

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Les éditions Téqui ont édité une version révisée de la Bible du chanoine Crampon. Nous avons interrogé Fr Bernard-Marie, ofs, docteur en théologie et philosophie, diplômé de langues bibliques, et auteur de cette oeuvre colossale de révision:

Pourquoi avoir fait le choix de republier la Bible Crampon, alors qu’il existe de nombreuses traductions françaises accessibles de la Bible ?

Dans l’Église catholique francophone, toute la première partie du XXe siècle a été fortement marquée par la traduction biblique du Chanoine Crampon publiée en un volume en 1905 et plusieurs fois revue (1923, 1938, 1960). Contrairement aux bibles catholiques précédentes réalisées à partir de la seule version latine de saint Jérôme, après les protestants Olivetan (1535) et Louis Sgond (1880), le Chanoine Crampon entreprit en 1894 de revenir aux textes originaux hébreux, araméens et grecs, ce qui, en milieu catholique, était alors une démarche très moderne, à la fois scientifique et œcuménique. Néanmoins, à partir des années 1950, l’épiscopat français estima que cette traduction était, pour un large usage pastoral, un peu trop littérale et parfois trop rugueuse (cf. Lc 2, 29 dans l’édition de 1923 : « Maintenant, ô Maître, vous laissez partir votre serviteur »). C’est ce qui explique le succès de la Bible de Jérusalem (la « B.J. »), arrivée en un volume sur le marché en 1956, et plusieurs fois revue et rééditée (1973, 1998). Cette dernière traduction, sous la direction de l’Ecole biblique dominicaine de Jérusalem, influença directement la traduction œcuménique qui suivit en 1972, la célèbre T.O.B. Alors, si ces traductions nouvelles sont bien lisibles et exactes, pourquoi revenir à Crampon ? Tout simplement parce que tout progrès entraîne souvent un recul sur un autre plan. La B.J. et la T.O.B. constituent un ensemble très riche, mais qui obéit à des impératifs qui n’étaient pas toujours ceux de Crampon. Sa traduction à lui est certes moins littéraire et moins audible en lecture publique, mais elle est plus littérale, donc généralement plus fidèle. De plus, contrairement à l’exégèse moderne très protestantisante, qui favorise la leçon brève (lectio brevior) comme étant presque toujours la plus probable, Crampon favorise la leçon longue et plus difficile (lectio difficilior), celle qui fait droit aux variantes longues et pleines d’enseignement spirituel. A cet égard, on peut par exemple relire la finale du verset de Jn 3, 13 : « Or nul n’est monté au ciel, si ce n’est celui qui est descendu du ciel,  le Fils de l’homme qui est au ciel ». Cette traduction longue, qui est aussi dans la Vulgate et dans quelques bons manuscrits non-alexandrins, n’apparaît pas dans la traduction officielle de la Liturgie ni dans la B.J. C’est dommage, car on se prive alors d’un ajout probablement authentique, qui jette une subtile lumière sur l’insondable mystère trinitaire. Autre exemple pris en Lc 1, 29 : « Marie, l’ayant vu [l’ange Gabriel], fut troublée de sa parole ». Ce bref ajout sur la vue de l’ange est instructif, car il souligne une grande différence entre Marie et son parent Zacharie. A la vue du même ange, celui-ci avait été troublé (Lc 1, 12), alors qu’à la Visitation, ce n’est pas l’ange et sa vue qui troublent Marie, mais seulement la parole qu’il vient de lui adresser en la nommant d’un nom nouveau jamais porté jusqu’ici  : « Je te salue, Pleine de grâce ! » (kaïré kékharitôménê).

Enfin, la version Crampon est également très prisée pour ses notes très fouillées, à la fois de grande qualité exégétique, mais toujours bien lisibles. La révision de 2023 a tenu compte des découvertes de Qumrân, du monastères sainte Catherine du Sinaï et des récentes découvertes archéologiques. Les notes citent généralement les variantes des versions anciennes (Septante, Vulgate, Peshitta) et un certain nombre sont totalemetn nouvelles (30 % pour le N.T.). Est-il besoin de rappeler que cette bible est catholique, qu’elle contient donc, contrairement aux bibles protestantes, les livres saints rédigés directement en grec pour l’Ancien Testament (Judith, Sagesse, Siracide, etc.). Voilà pourquoi ce travail fut encouragé dès 2001 par le Cardinal Ratzinger, futur Pape Benoît XVI (voir en Introduction sa lettre au réviseur, fr. Bernard-Marie). Précisons enfin que cette bible est revêtue de l’Imprimatur de la Conférence des évêques de France.

Par rapport à la première édition, voici cent ans, quelles sont les différences de cette nouvelle version ?

Comme il est indiqué dans les deux avant-propos de cette nouvelle édition, la révision 2023 du texte de 1923 apporte un certain nombre d’éléments nouveaux ou actualisés. Le texte a été soigneusement toiletté (suppression des coquilles, nouveaux sous-titres) et le vocabulaire modernisé quand il y avait risque d’erreur d’interprétation (cf. Gn 29, 11 « Et Jacob baisa Rachel » rendu désormais par : « Et Jacob embrassa Rachel »). Suivant l’usage des langues anciennes qu’ont repris toutes les bibles actuelles, le tutoiement a été généralisé. De plus, fidèle aux directives de la Congrégation romaine du Culte divin, l’éditeur a choisi de ne plus citer le Tétragramme divin sous sa forme ancienne et assez discutable de Yahvé, mais sous l’appellation de SEIGNEUR en lettres majuscules. Il est à noter que cet usage, qui respecte mieux la sensibilité juive, est également suivi par toutes les bibles protestantes, par la T.O.B., la Bible de la Liturgie et par toutes les versions anciennes : Yahvé/SEIGNEUR est appelé Théos dans les Septante grecques, Elahâ dans la Peshitta syriaque et Dominus dans la Vulgate latine. Toutes les Annexes ont été revues et amplifiées. On appréciera notamment la Présentation des 73 livres bibliques (A.T. et N.T.) avec, en finale, un lexique des mots symboliques utilisés dans l’Apocalypse. Il s’agit là d’un ajout original du réviseur, une clé non seulement du passé, mais aussi de l’avenir surnaturel de toute l’humanité.

On lit parfois que le chanoine Crampon a réalisé à la fois la première traduction “grand public” et une traduction scientifique. Comment est-ce possible ?

En fait, la première traduction biblique « grand public » fut celle en latin de saint Jérôme à la fin du IVe siècle. Il s’agissait de la Vulgate, c.-à-d. la « Pour le peuple ». A la fin du XIXe siècle, dans le sillage du protestant Louis Segond, le Chanoine Crampon fut le premier bibliste catholique francophone à proposer une traduction intégrale de la Bible réalisée directement à partir des textes originaux. Sa traduction se voulait littérale et fidèle, mais lisible par tous, d’où un réel effort pour n’utiliser que des termes connus par tous et pour rédiger des notes à la fois scientifiques, mais en même temps pédagogiques et toujours conformes à la foi catholique.

Que diriez-vous à un catholique hésitant à se lancer dans cet impressionnant océan qu’est la Sainte Ecriture ?

Pour l’encourager, on pourrait lui rappeler cette belle parole de saint Jérôme : « Ignorer les Écritures, c’est ignorer le Christ », et celle-ci de son contemporain saint Augustin : « La Bible est basse d’entrée, mais élevée et spacieuse pour qui consent à y avancer. ». Enfin, plus près de nous, il faudrait lui faire connaître cet encouragement du Concile Vatican II : « Toute la prédication ecclésiale, comme la religion chrétienne elle-même, doit être nourrie et régie par la sainte Écriture » (Dei Verbum, § 21). Ajoutons que même si l’on peut lire et prier seul, mieux vaut, quand on le peut, se faire conseiller par un plus pieux et plus savant que soi dans l’approche de la Parole de Dieu. Le Pape Pie XII, dans son encyclique Divino afflante Spiritu (1943), insistait sur ce point : l’Écriture doit être lue en esprit et vérité (Jn 4, 24), à la lumière de la Tradition ecclésiale et jamais de façon charnelle, littéraliste et individualiste.

Quelles relations voyez-vous entre la lecture personnelle de la Bible et sa lecture en Église, notamment dans la Liturgie?

Le Concile Vatican II a recommandé à tout chrétien « la lecture fréquente des divines Écritures » (Dei Verbum, § 25), ce qui doit normalement se pratiquer à petites doses quotidiennes dans l’exercice de la méditation scripturaire personnelle, de la prière de quelques psaumes appropriés au temps liturgique, et aussi, si on le peut, de la participation à la grande prière liturgique de l’Église, notamment par l’Eucharistie et le chant de la Prière des Heures.

Quelle est la richesse de la Bible et son actualité ?

La richesse de la Bible est celle des 73 livres qui la composent : des textes aussi bien historiques que poétiques, sapientiaux que juridiques, des textes à lire, à réciter, à méditer ou à chanter. Dans l’Ancien Testament, on trouve de nombreux oracles prophétiques et des récits d’actions courageuses et saintes, qui préfigurent, préparent et désignent le Christ comme l’alpha et l’oméga salvateur, le Verbe divin incarné vers lequel tout converge. Et dans le Nouveau nous est relatée sa vie terrestre : comment ne pas vouloir la connaître toujours mieux ?Bref, la Bible est une bibliothèque où l’humain travaillé par la grâce est partout présent, un terreau que l’Esprit divin vient toucher, interpeller et souvent habiter de l’intérieur, pour l’élever jusqu’à Dieu. Repérer dans une Bible bien traduite – comme nous l’espérons de la nouvelle Crampon – cette discrète présence de Dieu tout au long des récits et témoignages, c’est s’exercer à faire de même dans sa propre vie qui, par la foi et la grâce, peut aussi devenir une histoire sainte de grande actualité.

La Bible (intégrale): Crampon 1923 – 2023

 

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