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Cathophobie

Les menaces actuelles contre la liberté religieuse en Occident

A l'occasion du 50è anniversaire de la publication de l'encyclique "Populorum Progressio" et de la création du Dicastère pour le Service du Développement Humain Intégral, une conférence internationale s'est tenue au Vatican les 3 et 4 avril 2017. Intitulée "Perspectives de promotion du développement humain intégral 50 ans après Populorum Progressio", c'est devant plus de 300 personnes que Grégor Puppinck, directeur de l'ECLJ, a pu intervenir sur le thème de la "liberté de conscience et de religion : un droit humain fundamental dans la perspective du développement intégral humain". Des nombreuses personalités sont venues du monde entier participer à cette conférence. Outre le Préfet de ce Dicastère, le Cardinal Turkson, ainsi que le Cardinal Müller, Préfet de la congrégation pour la doctrine et la foi, les Français Mgr d'Ornellas et Fabrice Hadjadj étaient également présents.

Extrait de l'intervention de M. Puppinck

IMG_1652"[…] La première condition à la préservation de la liberté de conscience et de religion est d’ordre pratique ; elle est la plus importante. Il s’agit de garder dans la société le souvenir et l’horreur des persécutions religieuses.

Avant toute considération et controverse théorique, la liberté de conscience et de religion trouve sa véritable force dans le rejet de la violence. En 1648, c’est au terme d’une guerre de 30 ans qu’une paix religieuse fut acceptée en Europe. Trois siècles plus tard, en 1948, c’est également au terme d’une guerre et dans le contexte des persécutions soviétiques que fut adoptée la Déclaration universelle des droits de l’homme. Le souvenir des morts et le rejet du totalitarisme furent les meilleurs arguments pour adopter cette déclaration et pour reconnaitre le droit à la liberté de conscience et de religion.

La liberté de conscience et de religion est avant tout une liberté d’ordre pratique qui vise à la paix sociale, et qui repose moins sur la stricte justice que sur la tolérance et le dialogue.

Aujourd’hui, de nouvelles persécutions sont massivement commises sous nos yeux ; non seulement elles constituent des violations graves des droits humains mais l’indifférence que l’on constate dans d’autres pays à l’égard de la souffrance des personnes persécutées en raison de leur religion est un mauvais signe pour l’avenir et témoigne d’un affaiblissement de l’importance sociale de la liberté de conscience et de religion.

La contestation de la légitimité de la liberté de conscience et de religion

Une autre menace se situe sur le plan théorique ; elle est tout aussi profonde et vise la légitimité même de la liberté de conscience et de religion. De nombreuses personnes aimeraient réduire cette liberté, à défaut de pouvoir l’effacer des droits de l’homme. Une contestation ancienne de cette liberté provient des milieux et sociétés religieux et ou totalitaires, qui ne conçoivent pas la liberté individuelle comme susceptible de permettre légitimement à une personne de refuser l’adhésion ou la soumission à son Créateur ou à l’Etat. Cette contestation est ancienne et bien connue ; je n’insisterai pas sur elle aujourd’hui.

C’est sur une autre contestation, antireligieuse, de la liberté de conscience et de religion qui se manifeste de plus en plus fortement au sein des pays occidentaux que je souhaite insister. Cette contestation est un phénomène assez nouveau par son ampleur.

Aujourd’hui, on perçoit une volonté parmi les personnes opposées « à religion », pour dire les  choses simplement, de contester jusqu’à la raison d’être même de la liberté de conscience et de religion. Ils lui reprochent d’être un privilège offert à certains leur permettant d’échapper à l’application du droit ordinaire. Ils voudraient diluer cette liberté dans les autres libertés : les libertés d’opinion, d’expression, d’association et d’enseignement seraient suffisantes disent-ils pour garantir la liberté de conscience et de religion. Il n’y aurait pas besoin, en pratique d’accorder une protection spéciale aux personnes et groupes qui croient en Dieu et qui perçoivent la morale naturelle. Plus encore, le développement du principe de non-discrimination qui interdit notamment les différences de traitement en raison de la religion ou des convictions garantit en principe l’égalité des croyants au sein de la société.

De fait, la protection offerte par la combinaison des droits et libertés existants est suffisante pour garantir la liberté de conscience et de religion, si on a une conception immanente, et non pas transcendante, de Dieu et de la morale.

Dans les sociétés marquées par la sécularisation et le relativisme se pose à nouveau la question de la raison d’être la liberté de conscience et de religion. Non seulement cette liberté est absurde dans de telles sociétés, et elle est tout au plus une tolérance, la tolérance d’une « anti-liberté » et d’un privilège perçu parfois comme une cause de désordre social contraire au bien commun.

Du point de vue catholique, nous pourrions aussi nous interroger car, contrairement à ce que l’on a pu croire ou désirer, la garantie de la liberté ne suffit pas à assurer le triomphe de la vérité. En général, il ne suffit pas de garantir la liberté de conscience et de religion pour que les personnes découvrent par elles-mêmes la vérité et y adhèrent.

Droit à l’autonomie v. droit à l’hétéronomie

Autre menace : La liberté de conscience et de religion est concurrencée par le droit à l’autonomie, aussi désigné droit à l’autodétermination.

L’individualisme subjectiviste de la société occidentale porte, par définition, une conception immanente de la morale et de la divinité. Cette conception subjective est en adéquation avec le cadre conceptuel et juridique du nouveau droit « à l’autonomie » issue du droit au respect de la vie privée.

Ce droit à l’autodétermination est l’opposé du droit à la liberté de conscience et de religion qui est un droit à l’hétérodétermination à l’hétéronomie : un droit de se conformer à un ordre supérieur. Le droit à l’autonomie s’étend considérablement pour recouvrir de nombreux domaines de l’existence ; il est souvent associé au principe de laïcité dont il constitue une forme d’application au plan individuel.

La question de l’interdiction du  port public du voile islamique donne un exemple du rejet de l’hétéronomie au profit de l’autonomie : lors des débats en France, la question portait moins sur le voile lui-même que sur celle de savoir si les femmes étaient autonomes ou soumises à une norme extérieure. C’est parce que le voile est religieux qu’il est suspecté d’être contraire à la liberté. C’est au nom de l’autonomie des femmes que l’on a accepté de sacrifier la liberté religieuse.

La liberté de conscience et de religion risque d’être progressivement effacée par le droit à l’autonomie, car sans Dieu il n’y a pas de finalité, de telos extérieur auquel s’ordonner et dont tirer une norme morale. Ainsi, la négation sociale de Dieu et de la morale aboutira à faire de la liberté de conscience et de religion une simple modalité de l’autonomie, privant de protection le besoin religieux et moral de s’ordonner à un bien qui dépasse l’individu et la société.

Ainsi, concrètement, l’une des conditions pour défendre la liberté de conscience et de religion est d’affirmer que cette liberté ne trouve pas seulement sa cause en l’individu, mais aussi et d’abord en Dieu et dans le sens moral universel qui s’impose à la conscience.

Le rejet de l’extériorisation de la religion et de la morale 

Autre point. Nous assistons aussi à un rejet croissant des manifestations extérieures de la religion et de la conscience. La religion est souvent devenue étrangère à notre société occidentale, et plus encore celle des étrangers qui l’est doublement. Ce rejet social vise précisément l’extériorisation de la religion et de la morale et force les personnes à les enfermer dans le relativisme de leur subjectivité. La société occidentale supporte difficilement l’extériorisation de la loi divine et naturelle, car cette extériorisation témoigne de son objectivité. Une réponse consiste à témoigner non seulement de la transcendance de l’esprit humain, mais aussi et surtout de l’extériorité, autrement dit de l’objectivité de la nature, de la loi divine et de la loi morale. Les peines et les sacrifices consentis par les objecteurs de conscience et par tous ceux qui témoignent de leur foi rendent perceptible la réalité et la valeur de Dieu et de la morale. […]"

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